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Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 70.djvu/469

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bouleversé, dans un grand nombre de cas, le vieil équilibre des forces sociales. Nous sommes d’ailleurs bien à tort portés à comparer les bourgs anglais à nos chefs-lieux d’arrondissement et les comtés anglais à nos grandes divisions territoriales. La chose est bien différente, car en Angleterre, où il n’y a ni murs d’enceinte, ni barrières, ni octrois, les villes et les boroughs sortent continuellement de leurs limites et s’étendent dans les campagnes, c’est-à-dire dans les comtés, à mesure que l’accroissement de la population l’exige. Il en résulte que souvent une partie considérable de la population d’une ville se trouve dans la campagne, et que par conséquent elle est soumise à des dispositions électorales particulières. On voit par le dernier recensement (fait en 1861) de la population de l’Angleterre que les habitans de certaines localités ne savent pas bien eux-mêmes à quel district ils appartiennent. A Londres par exemple, et là peut-être plus qu’ailleurs, ce phénomène se produit d’une façon qui mérite qu’on s’y arrête, et cette étude pourra donner une idée de la singularité des coutumes britanniques.

La population de Londres, qui en moyenne s’accroît en nombre rond de 50,000 individus chaque année, se compose de plus de 3 millions d’habitans. Elle n’est pas enfermée dans un périmètre déterminé, ni régie par une même administration. Les districts métropolitains (c’est ainsi qu’on nomme officiellement les diverses agglomérations autour de la Cité) n’ont pas de limites précises, ou du moins les limites reconnues par la direction des postes, et qui déterminent le classement et la distribution des lettres, ne sont pas reconnues au bureau sanitaire, qui dresse sur un autre plan ses tables de mortalité. Il n’y a pour cette immense ville aucune administration centrale, les paroisses s’administrent séparément à l’aide d’autorités locales nommées par les habitans. Cette séparation est telle que tout dernièrement un individu à qui on avait volé sa montre en plein jour alla se plaindre devant le tribunal de ce qu’un officier de police, un constable à qui il avait montré du doigt le voleur, n’avait pas voulu l’arrêter ; le constable s’est excusé en disant qu’à ce moment-là le voleur était de l’autre côté de la rue, et que ce côté-là appartenait à une autre paroisse dans les affaires de laquelle il ne pouvait nullement s’immiscer. Et l’excuse fut jugée bonne.

La maison d’un individu est son château-fort ; c’est là un principe fondamental de la vie anglaise, et ce principe fait que tous ceux qui en ont les moyens, même les ouvriers, se donnent la jouissance d’occuper une maison séparée. A Londres, il y en a de toutes les dimensions et pour toutes les fortunes, pourvu qu’on consente à s’éloigner du centre des affaires. L’accroissement de la population