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constructeur s’oblige à payer pendant un temps donné (généralement quatre-vingt-dix-neuf ans) une rente annuelle assez modérée qui s’appelle ground rent (le loyer du sol). La maison doit être tenue dans un parfait état par le constructeur, qui en peut disposer du reste comme il l’entend jusqu’au terme stipulé. Ce terme échu, la maison (rendue en parfait état) devient la propriété absolue du propriétaire du sol. Ce genre de transaction, qui est d’un usage constant, doit produire dans un temps plus ou moins rapproché un tel accroissement de richesses dans plusieurs grandes familles que le revenu de 1,000 livres sterling par jour (9 millions de francs par an), qu’on attribue actuellement par exception à un ou deux individus, deviendra chose beaucoup moins rare lorsque par exemple toutes les maisons de Russell-Square et des autres squares situés au nord du British-Museum, feront retour au duc de Bedford, et que celles de Portland-place et de Belgravia seront devenues la libre propriété du duc de Portland et du marquis de Westminster.

Lorsqu’on se demande comment M. Disraeli, qui parle toujours avec crainte de l’ascendant possible de la démocratie en Angleterre, a pu être amené à imposer pour ainsi dire à son parti, au parti tory, une loi qui va conférer le droit électoral à un nombre infini de personnes appartenant aux classes ouvrières, l’on ne saurait s’empêcher d’éprouver une grande perplexité. La loi a été faite par la chambre des communes plutôt que par le ministère, qui a cédé sur tous les points quand la pression exercée sur lui a été trop grande, et qui a même renoncé aux garanties qu’il avait voulu réserver au commencement pour les minorités intelligentes. Le plaisir de réussir à faire une loi qui avait défié tous les efforts du parti whig a pu sans doute flatter l’amour-propre du célèbre auteur de Coningsby, mais ce ne pouvait pas être là un motif sérieux pour un véritable homme d’état. Peut-être après tout M. Disraeli pense-t-il qu’une augmentation du nombre des électeurs sera moins défavorable au parti conservateur qu’on n’aurait été porté à le croire d’abord. Il y a dans d’autres pays plus d’un exemple fait pour l’encourager. Les principes philanthropiques de lord Derby et sa généreuse conduite lors de la détresse cotonnière du Lancashire lui ont donné le droit de dire avec quelque raison aux ouvriers que les tories font ce dont les whigs parlent. La présence au ministère de son fils aîné, lord Stanley, qui, avant de briller au foreign-office, avait montré la plus efficace sollicitude pour les classes laborieuses, autorise le chef du cabinet à s’attribuer une part directe dans la grande loi destinée à augmenter dans une si large mesure l’influence politique du peuple ; mais il est aussi permis de supposer que les tories ont pensé qu’une loi présentée par eux serait toujours moins