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du deurhoffianisme. Aujourd’hui, selon M. Yan der Linde, ce n’est plus qu’une assez médiocre curiosité philosophique[1].

Dieu, selon, Deurhoff, est « l’acte unique. » L’acte unique a produit le mouvement, et avec le mouvement l’étendue ; de là naissent les corps particuliers qui se meuvent éternellement dans un ordre nécessaire que Dieu lui-même ne peut interrompre. Les miracles sont les résultats de cet ordre et non les actes d’une intervention extraordinaire de Dieu. L’éternelle génération du Fils n’est autre chose que la création, car le Fils est la sagesse de Dieu, sa pensée, et la pensée de Dieu est la réalité immédiate. Au commencement était l’action, et l’action était en Dieu, et Dieu était action. Dieu ne peut exister avant d’avoir créé le monde, connaître les choses avant qu’elles ne soient ; il ne peut donc s’être proposé un but en créant. Dieu n’est que cause et non législateur. Deurhoff disait encore que ce n’est pas seulement le Verbe, c’est la Trinité tout entière qui s’est faite homme.

Une autre branche bien plus importante du spinozisme théologique est le hattémisme, dont le fondateur, Pontian Van Hattem, vivait de 1641 à 1706. Il était né à Berg-op-Zoom, avait étudié à Leyde, la grande université protestante du nord, avait visité la célèbre académie de Saumur, foyer de la théologie réformée en France, et là déjà s’était fait remarquer par ses tendances indépendantes, A son retour, il devint pasteur à Philipsland en Zélande, ses opinions hérétiques n’ayant pas encore paru au grand jour ; mais on les vit bientôt se manifester dans un traité qu’il publia sur le catéchisme d’Heidelberg. Les erreurs de doctrine que l’on crut remarquer dans cet ouvrage le firent mander à Leyde et à Utrecht par les deux facultés, qui en portèrent le jugement le plus défavorable. Leyde déclara ses thèses « paradoxales et hérétiques. » Utrecht prononça de son côté « qu’un tel ministre ne pouvait être supporté dans l’église réformée, à moins qu’il ne rétractât ses chimères sociniennes, libertines, athées et sacrilèges. » Van Hattem, quoiqu’il prétendît rester attaché à la doctrine de l’église, fut suspendu en 1683. Après sa suspension, il essaya de s’associer avec un autre théologien également suspect et excommunié, Verschoor ; mais celui-ci déclina cette sorte d’alliance[2]. Il forma alors des conventicules religieux, et, comme on le voit par sa correspondance et par ses écrits, il se fit de nombreux adhérens[3].

  1. Les écrits de Deurhoff ont été réunis et publiés sous ce titre : Système surnaturel et scriptural de la théologie, tiré de la connaissance de Dieu, des dons de la grâce et de la sainte Écriture, 1715, 2 vol.
  2. Verschoor, accusé de spinozisme, était un supra-lapsaire exalté.
  3. Après sa mort, ses écrits furent recueillis et publiés en quatre volumes (1718-1729) sous le titre : Chute de l’idole du monde, ou la Foi des saints triomphant de la doctrine de la justification personnelle, représentée clairement d’après les écrits laissés par P. Van Hattem, publié par M. Roggeveen.