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de la terreur inspirée par le terrible Albanais, descendez tous de l’Olympe, venez vous soumettre à Ali-Pacha. » Nikotsaras, d’abord armatole, puis chef de bande, se montrait peu disposé a écouter ces prudens conseils et à reconnaître le pouvoir du maître de la Thessalie ; mais Ali, dont on redoutait le fanatisme, n’était au fond qu’un politique et des moins scrupuleux. On montre dans l’Olympe une église qu’il a fait bâtir ; il buvait dans l’occasion à la « Panaghia couronnée, » et, quand il y trouvait avantage, négociait volontiers avec ses ennemis. Il attira Nikotsaras à Janina, où ils firent la paix. Ce ne fut, à vrai dire, qu’une trêve. Les caresses du vizir inspiraient toujours de la méfiance. Retiré à Karitza, sur les côtés de la Thessalie, où il s’était marié, Nikotsaras reprit bientôt les armes, non plus pour lutter dans les gorges de l’Olympe, où son nom était devenu populaire, mais pour se lancer dans de plus grandes aventures, comme cette expédition destinée à ruiner en Roumanie l’influence ottomane, expédition dont les poètes populaires ont célébré un mémorable épisode, le combat du pont de Pravi.

Cependant l’ascendant toujours croissant d’Ali rendait difficile le séjour de l’Olympe, même à ceux qui, comme Nikotsaras, s’étaient fait « un cœur de fer, une poitrine d’airain. » Un chant fait croire qu’il n’était pas d’ailleurs toujours d’accord avec les primats, et les traitait parfois très durement. Il « prit la mer pour se promener » et aussi pour livrer aux musulmans « quelque rude bataille. » Le fils de Tsaras, « semblable à la rose, » beau comme les guerriers de la Grèce antique, devint un de ces klephtes de mer dont s’éprit l’imagination d’un poète célèbre de cette époque qui devait mourir dans les rangs des défenseurs de Missolonghi, où j’ai trouvé son souvenir vivant. « Niko, la fleur de nos montagnes, le cyprès de nos champs, la tour inébranlable au sein de la mer, » était bien l’idéal rêvé par l’auteur du Corsaire. Ses traits réguliers, son regard perçant, son air à la fois noble et sauvage, sa taille haute et svelte, sa vigueur et son agilité, qui allaient jusqu’au prodige, révélaient en lui l’enfant de la montagne olympienne, un digne fils du capitaine des armatoles d’Alassona. Élève de l’archimandrite Anthimos, du couvent d’Haghia-Triada (Sainte-Trinité), couvent qui, encore aujourd’hui, a la réputation de ne pas fermer toujours sa porte aux klephtes, il avait, dans ce cloître caché au milieu des sapins, et dont les quatre murs droits, percés de hautes lucarnes, ressemblent à une forteresse, étudié avec passion l’épopée homérique. Peut-être avait-il rêvé de devenir le héros d’une nouvelle lutte entre l’Europe et l’Asie ; peut-être avait-il cru qu’il lui serait donné du moins d’abattre le croissant sur les rives du vieil Ister comme sur les cimes sacrées du mont Olympe. Il est certain qu’il faisait une impression tellement extraordinaire sur ses farouches