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des gouvernemens de la plaine, et sont elles-mêmes fractionnées en groupes indépendant les uns des autres. Quelques-uns de ces groupes, notamment ceux de Baneyr et de Bajaour, obéissent à de petits sultans, mais presque tous les autres forment des républiques pastorales ou barbares, dont la plus remarquable, Swat, a pris depuis peu d’années une importance, inquiétante pour la sécurité des provinces anglaises limitrophes. Pendant que les Waziris et les autres sauvages de la même ligne se contentaient de faire dans la plaine des incursions de maraudeurs suivies de rudes, représailles et, n’ayant d’ailleurs aucun caractère politique, les Swatis, moins pillards et moins agressifs en apparence, prenaient le rôle de champions officiels de l’islamisme dans l’Afghanistan oriental. Leur chef, connu sous le nom de l’akkond (docteur) de Swat, s’est érigé en réformateur ou plutôt en apôtre chargé de ranimer et d’épurer la foi attiédie. Autant son pouvoir temporel est nul, autant sa domination spirituelle est incontestée et absolue de l’Indus à Djellalabad. Sans connaître, du moins selon toute apparence, l’histoire du Vieux de la Montagne, il l’a renouvelée en s’entourant de séides aveuglément dévoués qu’il envoie poignarder au loin les gens qui lui sont suspects. Les victimes ordinaires de ces odieux attentats sont des officiers anglais de la frontière signalés à son attention par le zèle qu’ils déploient à purger leurs districts des assassins et des voleurs qui y pullulent. Or, comme en dehors des prescriptions du culte le musulman n’a qu’une idée fort vague de la morale, tous les coquins à bon droit exécutés par la justice anglo-indienne passent pour des martyrs de l’islam aux yeux de leurs stupides coreligionnaires, et leur sang crie vengeance contre le commissioner ou le deputy qui les a condamnés. Aussi les garnisons de cette zone, surtout celles de Peshawer et de Hotti-Merdan, sont-elles redoutées des officiers appelés à y remplir des fonctions civiles.

Le gouvernement anglo-indien n’eût pourtant rien fait pour châtier les Swatis sans une circonstance qui menaçait directement son pouvoir politique. Le wahabisme, non content de remuer toute l’Arabie et d’inquiéter l’Égypte, s’était infiltré dans l’Inde musulmane, propagé et protégé par les condottieri arabes qui remplissent les armées des princes indigènes, notamment dans le Nizam. Gêné par la présence des autorités anglaises dans ses prédications furieuses contre la domination des infidèles, il avait pris la forme d’une société secrète, et parmi ses innombrables adeptes les plus impatiens avaient formé sur territoire neutre, à Suttana, dans l’état de Baneyr, une colonie où l’on s’occupait moins de la réforme de la foi que des moyens de recommencer la tentative de 1857. Suttana, situé sur l’Indus, à quelques lieues seulement de la frontière