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drame chinois ne connaît pas les unités de temps, de lieu, d’action ; il n’applique même pas toujours l’unité de représentation. Telle pièce se poursuit pendant plusieurs jours. Il n’existe dans les villes chinoises ni salle de spectacle ni troupe d’acteurs sédentaires. Des comédiens ambulans parcourent le pays et s’arrêtent où il leur plaît, empruntant parfois une pagode pour la convertir en théâtre, parfois improvisant en vingt-quatre heures, au moyen de bambous et de nattes, une salle en forme de cirque. Comme dans les théâtres de l’ancienne Rome, on s’y assied à l’air libre. Ni la pluie ni le soleil n’arrêtent le Chinois ; dès qu’il est en face des acteurs, son attention ne se distrait plus. Que ceux-ci parlent le patois d’une province lointaine, que le dénoûment soit à échéance éloignée, il n’en suit pas l’intrigue avec moins d’intérêt. Les acteurs portent des costumes aussi brillans que l’imprésario a pu les fournir ; mais le décor, s’il y en a, se compose de toiles grossièrement peintes. Pas de ballet, pas de femmes sur la scène ; de jeunes garçons les remplacent. Les mœurs y gagnent-elles ? Cette absence de toute pompe, de toute magnificence n’affaiblit pas la curiosité du public. Tout le mérite en reste au drame lui-même. Nous pouvons d’ailleurs apprécier certaines pièces chinoises qui n’ont pas paru indignes des honneurs de la traduction.

Le café chinois de l’exposition n’a rien en Chine qui lui soit analogue. Ce qui ressemblerait peut-être, non pas à l’élégant café que nous voyons à Paris, mais à nos cabarets du plus bas étage, ce seraient les fumeries d’opium, misérables bouges, à peine garnis de nattes grossières, où le fumeur, à quelque classe de la société qu’il appartienne, entre pour se livrer à sa passion favorite. L’opium est, on le sait, l’objet principal d’importation dont se serve le commerce anglais pour solder la valeur de ses exportations : 226 millions de francs, c’est la somme représentant les entrées officiellement constatées en 1864. La contrebande reste en dehors, et elle est active. Au surplus, si l’abus de l’opium est souvent funeste, l’élévation du prix en restreint la consommation, et en définitive cette substance n’exerce peut-être pas chez les Chinois plus de ravages que l’absinthe chez les peuples européens. Parmi ceux qui en usent avec excès, il en est qui ont appris à en combattre les dangers au moyen du café, dont l’usage était autrefois inconnu. Ce serait un article nouveau d’importation dont le commerce français aurait d’autant plus à se préoccuper qu’outre Bourbon et la Martinique notre colonie de Cochinchine paraît se prêter à la culture de cette plante.

L’exposition universelle ne nous fait pas connaître les restaurans chinois qui, à défaut d’auberges, hors d’usage dans un pays où les