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facilement et s’accorda même avec le taïcoun, l’un gardant la suzeraineté politique, l’autre l’autorité spirituelle. Yeyas tenait en effet à maintenir dans le vasselage les princes autrefois ses égaux. Quelques-uns s’étaient ralliés à lui ; une série de victoires imposa la soumission aux plus récalcitrans. La condition des vaincus resta néanmoins assez douce. Avoir à Yédo un palais, y résider parfois, offrir des présens au taïcoun comme témoignage d’obéissance, veiller dans leurs domaines respectifs à l’entretien des travaux d’utilité publique, routes, canaux, arsenaux, forteresses, telles furent les obligations imposées aux daïmios. Du reste aucun tribut à payer. Ils devaient seulement, en cas de guerre, fournir à leurs frais un contingent fixe et le conduire à l’armée du taïcoun. On présume d’ailleurs qu’au lieu de se soumettre tous à une constitution commune à un joug égal et de même nature, les plus puissans parmi les seigneurs japonais, Satzouma, Nagato, auraient souscrit à des traités séparés spécifiant pour chacun les conditions de son vasselage.

Au-dessous de la grande aristocratie féodale, qui jouit sous certaines réserves d’une quasi-indépendance dans l’administration intérieure de ses domaines, il existe une noblesse moins puissante, également héréditaire et basée sur la propriété foncière, mais entièrement dépendante du chef féodal sur le territoire duquel elle réside, sauf recours à l’autorité supérieure du taïcoun et parfois à celle du mikado, restée théoriquement la plus respectée à cause de son caractère religieux. Le reste de la population, artisans, laboureurs, plus des sept dixièmes, privé de toute liberté, se voit assujetti à un despotisme absolu. Peut-être le servage existe-t-il ; on a cru voir que le laboureur n’est pas toujours libre de s’éloigner de la terre sur laquelle il travaille. Quant au marchand et à l’artisan, il est certain qu’il subit une discipline très rigoureuse. Les métiers, les diverses professions industrielles, sont réunis comme en Chine en corporations, sur lesquelles le seigneur féodal exerce une autorité absolue et incontestée. Ainsi dans les premières années qui suivirent l’introduction des Européens le prix de vente des marchandises était fixé pour eux d’une manière invariable ; nul n’eût osé leur rien livrer au-dessous du tarif officiel, nul surtout ne se fût servi d’objets importés d’Europe. A certains momens, toutes les boutiques de Yokohama se sont fermées par ordre et simultanément. C’est en haine d’un tel régime, jadis plus oppressif encore, que la masse du peuple, si l’on en croit les rapports venus de Yédo, vit autrefois avec plaisir rétablissement de la suzeraineté du taïcoun sur les daïmios. Un pouvoir unique, fût-il despotique, lui semblait préférable aux volontés et aux tyrannies de plusieurs maîtres. D’ailleurs la famille taïcounale sut maintenir une paix complète, résultat