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intelligence, car c’est confesser une chose fort simple, savoir que l’intelligence divine connaît tout, tout le réel et tout le possible. Ici la notion d’infini n’amène avec elle nulle contradiction. Il en est également ainsi de tel attribut divin que vous voudrez qualifier de même. Dieu sera donc l’être infini par l’infinité de ses attributs, et cette expression ainsi entendue sera plausible, quoique toujours inférieure à celle d’être parfait. Il y a même entre l’infini et le parfait une distinction qui arrive à devenir une opposition. Être infini en tant qu’être, c’est nécessairement être tout ; or ce n’est pas une perfection d’être tout, puisque l’imparfait existe et fait partie du tout. Être infini à titre d’excellence, c’est-à-dire parfait, c’est être meilleur que tout. Or ce qui est tel que rien de meilleur ne peut être conçu, suivant la définition augustinienne de la nature divine, est nécessairement distinct du monde, au-dessus du monde, et s’altérerait en le contenant dans son sein. Il ne peut donc être de la perfection de Dieu de contenir en soi et dans sa substance tout l’être, tout le réel, sans fin ni limite, puisque comprendre en soi le fini et l’imparfait, c’est une imperfection.

Ces observations nous portent donc à croire que la contradiction, l’antinomie signalée dans la raison humaine par Hamilton et son école à l’endroit du fondement de toute religion vient d’une confusion que ni lui ni ses disciples, ni ses critiques n’ont aperçue entre les croyances permanentes et naturelles de l’humanité et les résultats récens ou isolés, sujets en tout cas à interprétation, des analyses de certains métaphysiciens. La nature humaine ne peut être après tout responsable d’une terminologie d’école.


II

L’absolu, comme synonyme de divin, est peut-être une appellation plus hasardée encore, si l’on ne se borne à entendre par là que l’existence de Dieu est absolument indépendante de tout ce qui n’est pas lui ; mais, pris en rigueur philosophique, le terme d’absolu a plus de portée. Il désigne ce qui n’a et ne peut avoir de relations, attribut qui serait, ce me semble, très douteux et très peu enviable pour l’Être suprême. Je ne rappellerai pas qu’en théologie on introduit la relation même au sein de la Divinité en enseignant que le dogme de la Trinité est fondé sur la catégorie de la relation. Restant dans la pure philosophie, je n’insisterai pas même sur ce fait incontestable, que, pour ceux qui conçoivent Dieu comme l’ordonnateur de l’univers, il ne saurait être considéré comme absolu, et cette conception n’est pas une exception rare, puisqu’elle était la croyance des sages de presque tout l’ancien monde. L’antiquité a cru la matière éternelle, et, sans compter les peuples de l’Asie,