Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 70.djvu/784

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La simple note animée d’esprit optimiste que le Moniteur a publiée comme pour calmer cette fermentation maladive sera-t-elle un spécifique efficace ? Il est permis d’en douter. Quand le malaise est dans la nature des choses, ce n’est point par de laconiques démentis opposés à des rumeurs indécises qu’on ramène dans les esprits le calme, la sécurité, la confiance. Au milieu même des échecs et des mésaventures politiques, il est possible de conserver à une nation son énergie morale et la conscience de sa force, mais c’est à la condition de l’éclairer et de l’inspirer par des idées nettes, des desseins arrêtés, un système d’action vigoureux et intelligible. Il a plu malheureusement au gouvernement, — sa conduite pendant la session l’a prouvé, — de prolonger les incertitudes politiques, et de ne point couper court au marasme de la France. Les effets de cette tactique de procrastination sont visibles dans toutes les questions qui s’imposent à notre vie politique et préoccupent l’esprit public.

Prenez l’intérieur. C’est le lendemain du jour où nous ne savons par quelle visée illogique et contraire à la nature positive des choses on a voulu interdire la discussion publique de la constitution, que les débats les plus nécessaires se sont portés sur l’application et l’interprétation des principes constitutionnels. Pour empêcher, par exemple, M. Thiers de donner une démonstration des inconvéniens du gouvernement personnel puisée dans les faits les moins contestables et les plus décisifs, il eût fallu ne point lui permettre de raconter et de juger l’entreprise du Mexique ; c’était impossible que sont en effet les actes politiques considérables sinon la constitution en action, la constitution montrée au vif. Tout enseignement général qui se dégage de la discussion d’une politique remonte à l’épreuve des théories constitutionnelles. Les esprits politiques sérieux ne peuvent se dérober à cette loi logique et pratique. Le discours que M. de Persigny vient de prononcer au sénat est une preuve nouvelle et piquante de la nécessité permanente de la discussion constitutionnelle. Quelque jugement que l’on porte sur les idées politiques de M. de Persigny, on ne peut se refuser à reconnaître en lui le philosophe de la constitution de 1852. Il ne cache point qu’il a été un des membres du comité appelé à élaborer ce pacte. Aussi veille-t-il aux destinées de la constitution avec une sollicitude paternelle. Elle est son enfant pour quelque chose, et il fait profession d’en connaître mieux qu’un autre la nature et l’essence. Les circonstances lui ont paru exiger qu’il nous fît part de ses intuitions sur un des plus importans principes de la constitution, la responsabilité du chef de l’état et la responsabilité ministérielle. Les définitions et les distinctions de M. de Persigny sont très subtiles ; nous ne nous vantons point devoir clair dans sa théorie. Il est manifeste pourtant que M. de Persigny est frappé en ce moment de deux choses : la première, c’est que, par une interprétation trop littérale de la constitution, on a pris l’habitude d’exagérer les responsabilités impé-