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s’imposent avec une autorité irrésistible à la chambre des lords et à la couronne. Aussi, fiers et forts de leur importance, les députés des communes ont-ils le bon esprit de ne point s’offenser des rigueurs de l’étiquette ni de la distance qu’on semble mettre durant la séance royale entre eux et les pairs. Au sortir de la chambre des lords, ils se réunissent dans leur salle, où par dignité ils délibèrent aussitôt sur quelque nouveau bill de leur propre initiative avant de s’occuper du discours du trône.

Excepté le mercredi, où la séance a lieu durant la journée, et le samedi, où la chambre des communes se donne congé[1], les députés s’assemblent toute la semaine depuis quatre heures du soir jusqu’à deux ou trois heures du matin. Quand on songe que la plupart d’entre eux sont tenus de vaquer dans Londres à leurs affaires comme avocats, directeurs de chemins de fer ou chefs de grandes industries, qu’ils sont assaillis de lettres, de demandes et de visites, que quelques-uns passent en outre de longues heures dans les nombreux comités siégeant durant la matinée, on ne saurait trop admirer cette activité tout anglaise, qui, lorsqu’il s’agit des intérêts publics, défie les heures de repos et de ténèbres. Que le soleil se lève ou se couche, il mesure pour les représentans de la Grande-Bretagne une double journée de travail. En principe, les séances de la chambre des communes sont secrètes, et c’est en vertu d’une sorte de convention étrangère à la loi que les curieux s’y trouvent admis. Les membres de la chambre sont tous censés ignorer l’existence de ces profanes auxquels ils ont eux-mêmes donné des billets d’entrée ou dont ils ont écrit le nom sur une liste. Deux galeries pour les étrangers (strangers, gallery et speaker’s gallery) ont été construites à grands frais dans la nouvelle salle du palais de Westminster, et malgré tout il suffirait qu’un député, se levant et désignant ces tribunes, s’écriât de sa place : « Mais, monsieur le président, j’aperçois là-haut des personnes qui n’appartiennent point à la chambre, » pour que le speaker fût obligé de faire immédiatement évacuer la salle.

Du moment où la présence même des étrangers n’est point reconnue par la chambre, à plus forte raison la publicité des débats constitue-t-elle un fait relativement nouveau dans les annales de la législature anglaise. Le Gentleman’s Magazine, vers 1738, eut recours à un subterfuge pour rompre avec les anciens usages et lever l’interdiction qui pesait alors sur les journaux. Sous le titre de Débats du sénat de Lilliput, il rendit compte des séances du

  1. Cette immunité a d’ailleurs besoin d’être sanctionnée de semaine en semaine par un vote de la chambre, qui déclare chaque fois ajourner de vendredi à lundi.