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pressé et s’est assuré de quoi vivre. Pour corriger ce qu’ont encore d’imparfait les soies venues de si loin, il lui reste quelques belles soies de nos montagnes, et en les combinant elle a su maintenir au dedans et au dehors la renommée de nos étoffes. La maladie du ver, malgré sa durée, ne lui eût donc pas porté de bien rudes coups, si un incident ne fût venu en aggraver les effets. Voici deux ans bientôt que la soierie traverse une de ces révolutions de la mode qu’on ne saurait en industrie ni prévoir ni conjurer. Des crises de ce genre sont presque toujours la suite de quelques excès. Après 1852, au point de départ de beaucoup de fortunes équivoques, la toilette des femmes se jeta dans ce luxe à outrance dont M. Jules Simon parlait récemment au corps législatif. On en vit les preuves au concours de 1855. Les travaux d’apparat y dominaient ; l’étoffe riche, sous quelque nom qu’on la désigne, grand façonné, haute nouveauté, en était déjà à ces raffinemens dont le goût s’offense et dont les mœurs souffrent. C’était entre les fabricans à qui enchérirait l’un sur l’autre pour la surcharge des dessins et l’élévation des prix. Encore quelques pas dans cette voie, et l’on en serait revenu au temps où une robe, à raison de la somme qu’il fallait y mettre, devenait un meuble de famille et se transmettait d’une génération à l’autre. C’est contre ces débauches de la vanité qu’une réaction a enfin eu lieu : nous y assistons. D’où est-elle venue ? Est-ce de la disette de soies vraiment supérieures ? est-ce, comme d’autres le pensent, de la suppression temporaire du débouché américain ? ou bien serait-ce que la réforme des toilettes a accompagné l’ébranlement des fortunes de mauvais aloi ? Peu importe, pourvu que le fait soit acquis, et il l’est pleinement. Le goût s’est évidemment tempéré ; à la poursuite de l’effet ont succédé des moyens plus simples et en même temps plus sûrs ; il y a dans la mise des femmes moins de prétention et plus d’harmonie ; on évite le chamarrage avec autant de soin qu’on le recherchait autrefois. Les préférences sont désormais pour les étoffes unies avec deux objets en vue, la beauté des teintures et la perfection du tissu. C’est là un premier retour à un art plus décent et une amende honorable qui arrive à propos après tant d’exagérations somptuaires.

Aussi le meilleur titre des expositions de Lyon et de Saint-Étienne est la sobriété. A peine, à les examiner de près, trouverait-on quelques exécutions outrées ou violentes ; dans tout le reste règne le juste sentiment du dessin et de la couleur. Quoi de mieux réussi, par exemple, que la série de satins ? Ils porteraient un défi à la palette la plus riche. Dans les tons adoucis comme dans les tons vigoureux, point de nuance qui n’y figure ; il y a là des blancs