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du bois et surtout dans le travail des sièges et des fauteuils. Ce fut une belle époque pour l’ameublement, celle où la délicatesse du goût s’allia le mieux à la richesse de l’exécution. Riesner y donnait le ton pour la marqueterie, Goutière pour la ciselure ; c’est à leurs talens combinés que l’on doit ces meubles ornés de cuivre qui ont laissé un nom et une date dans l’industrie. Les sièges et les fauteuils n’étaient pas traités avec moins de soin. Des médaillons en tapisserie de Beauvais ou en damas de Lyon garnissaient ces bois merveilleux et en rehaussaient l’effet ; tout était assorti dans ces témoignages d’une opulence qui allait disparaître et se signalait par un dernier éclat.

C’est à ces réminiscences que depuis trente ans l’art de l’ameublement demande des motifs de décoration. Il lui a fallu pour cela se guérir de l’épidémie d’antiquité grecque ou romaine qui, dans le premier quart de ce siècle, envahit nos écoles de dessin. Il n’y avait plus qu’un bois, l’acajou, plus qu’une forme, la ligne droite. Cette cure ne s’opéra pas sans effort, et le plus heureux de ces efforts fut un retour vers le siècle qui venait de finir et dont les souvenirs paraissaient oubliés. Jacob en eut des premiers le sentiment et copia, ligne par ligne, quelques-uns de ces meubles qu’on laissait pourrir dans les greniers. Cet essai réussit pleinement. Toute cette grâce méconnue et abandonnée surprit et charma les yeux ; l’engouement s’en mêla, et comme toujours on passa d’un excès à l’autre. De là cette chasse aux vieux mobiliers qui mit en campagne tant de brocanteurs et dévalisa les provinces au profit de Paris ; de là également cet abus de l’imitation, qui en se prolongeant nous livre sans défense aux médiocrités. Pour quelques essais passables, que de lourdes contrefaçons ! Rapprochées des vrais débris du passé, comme ces tristes copies pâlissent ! Ces cuivres, ces découpures, ces incrustations, procédant des ornemens anciens, n’en ont plus ni le charme ni le cachet individuel ; encore moins retrouve-t-on dans ces meubles d’imitation la légèreté d’aspect qui cadrait si bien avec le caractère et les allures de nos aïeux. Quel degré de ressemblance attendre des œuvres de la main, quand les tours d’esprit sont si différens !

L’intérêt de cette exposition était précisément de savoir si l’industrie de l’ameublement était résolue à rompre avec ce long plagiat. Vérification faite, le doute subsiste. On a bien quelque peu retranché dans les sculptures exubérantes, émondé ce qu’il y avait de trop luxuriant dans les détails, c’est un art qui se range après une jeunesse orageuse ; mais c’est toujours le même art. Tous ces meubles français ou étrangers ont un grave défaut, ils manquent de caractère. Prenez les panneaux un à un, vous constatez partout la