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ébénisterie, à leur orfèvrerie, à leurs bronzes, à leurs poteries et à leurs cristaux. Ils en ont un second, c’est le soin de l’exécution ; au point de vue du métier, ils sont irréprochables ; rien, de mieux ajusté que leurs meubles. Au point de vue de l’art, ils satisfont moins, l’ornement est souvent lourd, et les couleurs sont volontiers criardes. Ni les musées ni les écoles n’ont pu introduire dans leur goût ce que donnent seuls le tempérament et la race, le choix, la mesure, l’inspiration. Il y a pourtant des exceptions à faire pour de vigoureux morceaux de sculpture et de ciselure. L’Allemagne a aussi quelques bons échantillons de marqueterie, mais c’est au ciseau de ses sculpteurs qu’elle doit ce qu’elle nous montre de plus achevé, des bas-reliefs, des panneaux de bahuts, des armoiries dans un goût gothique et franchement féodal. L’Italie enfin nous envoie du berceau de la renaissance un témoignage du changement que le goût y a subi ; c’est le même art, mais alourdi par les années. Les bordures sont massives, d’une largeur extravagante, taillées dans le bois en forme de feuilles d’acanthe et de brocoli, surmontées de figures en ronde-bosse de dimensions outrées. Certain buffet a les proportions d’un monument, les sculptures y ont de tels reliefs et prennent du haut en bas une telle place que les abords en sont pour ainsi dire interdits ; ce ne sont partout, que feuillages, fruits, sujets de chasse et de pêche ; dans cette profusion, ni l’harmonie des lignes ni les ménagemens à garder pour les convenances du service ne sont respectés.

L’industrie des métaux précieux ne nous retiendra pas longtemps ; elle a peu gagné depuis les derniers concours ; de l’application, du soin, de la conscience, c’est tout ce qu’on y relève. Un certain niveau semble avoir passé sur les produits : tout le monde conçoit et exécute à peu près dans les mêmes conditions. D’où vient cela ? D’une cause à peine perceptible aujourd’hui, destinée plus tard à agir profondément sur les arts qui s’inspirent du dessin. Qui ne voit les procédés chimiques et mécaniques envahir le domaine de l’inspiration et de l’interprétation libres ? Pour peu que la reproduction rigoureuse s’étende, que deviendra la reproduction arbitraire ? L’objectif du photographe remplacera le coup-d’œil et le crayon de l’artiste. Naguère la miniature seule était menacée ; c’est maintenant la gravure, la sculpture, le paysage, et que serait-ce si, après avoir fixé la ligne, on parvenait à fixer la couleur ? On conçoit de quels secours sont de tels expédiens pour des mains inhabiles ou paresseuses ; les plus vaillantes s’y laissent même gagner, et on citerait des peintres de renom qui en usent pour les ébauches de leurs toiles. Toujours est-il que les vitrines des orfèvres, des bijoutiers et des joailliers présentent un peu d’uniformité, et qu’il en faut voir la cause dans ces moyens commodes d’obtenir l’image