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sont d’une tranquillité exceptionnelle, et même alors la ténuité de la corde, le poids des appareils, l’énorme pression, qu’ils supportent à mesure qu’ils descendent et qui croît d’une atmosphère pour 10 mètres d’enfoncement, enfin les longues heures qu’il faut employer à cette délicate opération, mettent toujours en danger le succès final : tant qu’on n’aura pas découvert d’autres engins d’un emploi plus facile, plus rapide et plus sûr, les mesures bathymétriques seront toujours bien espacées, et l’on ne pourra dresser la carte du relief sous-marin comme on dresse aujourd’hui pour les diverses contrées du monde celles du relief continental. D’ailleurs il est bien rare que dans les mers très profondes les navigateurs opèrent des sondages pour la joie purement scientifique d’explorer les gouffres de l’océan. C’est uniquement pour les besoins de la navigation, du commerce et de l’industrie que l’on a procédé à l’étude systématique des profondeurs marines, soit dans les golfes et les estuaires remplis de bas-fonds, soit dans le voisinage des côtes et des vigies signalées sur d’anciennes cartes, ou bien dans les bras de mer au fond desquels doivent être tendus les fils télégraphiques.

Actuellement le lit de la Baltique, de la Mer du Nord, de la Manche et tous les fonds du grand plateau sous-marin qui sert de piédestal aux îles britanniques sont les seules parties de l’Atlantique connues d’une manière à peu près complète. La Manche surtout, cet étroit canal où cent mille navires se croisent chaque année, a été explorée avec soin, et l’on en dresse des cartes plus riches en détails que celles de bien des pays où se pressent de nombreuses populations. Il est vrai que les profondeurs de ce détroit sont relativement très faibles, et que les opérations de sondage s’y exécutent sans la moindre difficulté. Pour se faire une idée vraie de la faible dépression qu’offre le lit de la Manche, on peut s’imaginer un plan en creux de cette mer exécuté à l’échelle de 1 mètre par kilomètre dans une prairie parfaitement horizontale. La flaque d’eau qui remplirait le bassin n’aurait pas moins de 500 mètres de long, et, suivant la disposition des côtes, de 33 à 220 mètres de large ; cependant, en dépit de cette grande surface, la profondeur de la mare serait de 5 centimètres seulement dans la partie la plus basse du canal : une souris passerait à gué cette mer en miniature.

Au sortir de la Manche, les points du lit océanique explorés par les sondages sont de plus en plus espacés dans la direction de l’ouest, puis deviennent tout à fait rares. Enfin à plusieurs centaines de kilomètres en mer ; là où la terrasse sous-marine qui porte le continent d’Europe cesse brusquement et où la pente du fond, inclinée d’environ 8 degrés, s’abaisse graduellement de 200 mètres