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contraire aux prétentions du judaïsme, on vit s’agiter obscurément quelques remous d’insurrection. Par exemple, lorsque Septime-Sévère, à la suite de ses expéditions en Orient, eut aggravé sous certains rapports les charges qui pesaient déjà sur la Palestine, il y eut de nouveau des bandes de partisans juifs que Bassien Caracalla ne parvint pas à détruire entièrement, mais dont l’extinction spontanée prouve l’insignifiance. Les édits religieux de Sévère tendaient à maintenir la paix entre Juifs, chrétiens et païens, en interdisant tout prosélytisme de part et d’autre ; mais nous avons eu déjà l’occasion de dire ici même comment la dynastie des Sévères, sous l’impulsion de Julia Domna, l’impératrice philosophe, sortie de la famille sacerdotale d’Émesse, se montra sympathique aux religions orientales. Sous Héliogabale et Alexandre Sévère surtout, cette tendance fut visible, et, par un bien étrange retour des choses, les adorateurs de Jéhova gagnèrent beaucoup en tranquillité et en tolérance sous le sceptre d’un prince pontife d’une espèce de Baal. Alexandre Sévère et sa mère Julia Mammæa furent décidément favorables au judaïsme, et lui accordèrent une place honorable dans ce syncrétisme religieux, pythagoricien au fond, qui amalgamait dans un même culte Abraham et Orphée, Apollonius de Tyane et Jésus de Nazareth. Il en résulta, du côté juif, un peu de relâchement dans la rigueur des prescriptions rabbiniques réglant les relations avec les païens. C’est ainsi que les Juifs vécurent pendant le IIIe siècle, réduits à l’impuissance, de plus en plus concentrés sur eux-mêmes, absorbés dans l’observance ponctuelle de leur loi conformément aux commentaires des rabbins, tantôt molestés en détail par la politique toujours soupçonneuse de l’empire, tantôt tolérés et même favorisés en masse par les empereurs les moins romains d’esprit. La fondation et l’éclat momentané du royaume de Palmyre (259-273), les tendances très monothéistes de la reine Zénobie, la politique intolérante de Dioclétien, ne changèrent point leur situation d’une manière notable. Dioclétien, en fait de religion, n’aimait que l’antique. Il détestait l’innovation, la dissidence, et c’est pour cela que ses édits, si rigoureux contre les chrétiens et les Samaritains, épargnèrent les Juifs, pour lesquels il fut dédaigneux, insultant, plutôt que persécuteur. On prétend qu’il exigea du patriarche juif et de ses compagnons, venus pour le solliciter à Panéas, qu’ils prissent des bains pendant plusieurs jours avant de se présenter devant lui. Singulière réputation qu’avait déjà cette race, qui, plus que toute autre, a multiplié les ablutions dans sa pratique religieuse !

Mais déjà l’on pouvait prévoir le jour où le judaïsme n’aurait plus rien à craindre de la politique païenne et où son sort temporel