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rations comportent chaque année deux campagnes, l’une embrassant l’automne et l’hiver pour les espèces qui fraient en hiver, telles que la truite commune, la grande truite des lacs, le saumon franc, l’ombre-chevalier ; l’autre comprenant le printemps et l’été, pour l’ombre commun et le saumon du Danube. L’administration décide à chaque campagne les opérations à entreprendre ; suivant un itinéraire arrêté d’avance, les agens de l’établissement vont en Suisse et en Allemagne acheter à un prix convenu les œufs dont ils ont besoin ; ils en opèrent eux-mêmes sur place la fécondation, puis les placent dans des boîtes de fer-blanc renfermant de la mousse humide, et les expédient ainsi à l’établissement. Après avoir été comptés, contrôlés et inscrits, les œufs sont répandus dans les appareils d’incubation, qui se composent, comme on sait, de claies à jour formées par des baguettes de verre et placées dans des auges en terre vernie, à travers lesquelles passe un courant continu d’une eau limpide. Après quelque temps de séjour dans ces auges et lorsqu’ils sont sur le point d’éclore, les œufs sont expédiés aux personnes qui en ont fait la demande, suivant une liste approuvée par le ministre. Ces expéditions sont gratuites, sauf le port, qui est à la charge des destinataires, et ceux-ci n’ont d’autre obligation à remplir que celle de fournir à l’administration des renseignemens sur les résultats qu’ils ont obtenus.

Le nombre des œufs fécondés s’est élevé, de 1855 à 1862, à 30,000,000 environ, sur lesquels la perte à l’établissement pour toutes les espèces réunies a été en moyenne de 55 pour 100, proportion qui va du reste en diminuant d’année en année. Les œufs arrivés à l’état d’éclosion représentent environ 66 pour 100 de ceux qui ont été expédiés aux particuliers. Que sont devenus les poissons qui sont sortis ? C’est ce qu’il est assez difficile d’établir, faute de renseignemens précis. Il ne paraît pas qu’ils aient sensiblement augmenté la population des cours d’eau publics, bien qu’on ait, dit-on, signalé la présence de quelques truites et saumons dans certaines parties de la Seine, de la Loire, de la Garonne et du Rhin, où jusqu’alors ils étaient inconnus. En présence de ces résultats assez modestes relativement à ceux qu’on espérait, on serait tenté de s’écrier avec Shakspeare : much ado about nothing, si l’on n’avait pu constater que bien des lacs et étangs appartenant à des particuliers ont effectivement été repeuplés de cette façon, et si l’initiative du gouvernement n’avait décidé bien des propriétaires à entreprendre chez eux des essais de pisciculture qui ont été plus ou moins couronnés de succès. Quelques-uns avaient exposé les appareils dont ils font usage. Des différentes méthodes employées, la plus intéressante nous a paru être celle de M. de la Blanchère, qui