Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 73.djvu/159

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

espère que, loin de faire aucun tort, aucune offense à qui que ce soit, ils respecteront même les individus d’une nation dont elle a reçu tant de témoignages de respect et d’affection pendant son voyage en France et son séjour à Paris[1]. »

Tandis qu’avec d’infinies précautions nécessitées par la surveillance des autorités militaires la protestation du saint-père était placardée sur quelques-uns des monumens publics de Rome, les ministres étrangers résidant auprès du Vatican recevaient du cardinal secrétaire d’état une note également rédigée dans les termes les plus modérés. Après avoir indiqué les conditions de l’ultimatum qui avait été imposé par le gouvernement français au saint-père, après avoir raconté comment Pie VII avait cru pouvoir donner son adhésion à certains articles extrêmement onéreux auxquels sa conscience ne répugnait pas, comment au contraire il avait dû en refuser d’autres dont l’acceptation lui était formellement interdite par ses devoirs les plus sacrés, le ministre de sa sainteté faisait savoir aux représentans des puissances amies du saint-siège que toutes les violences dont ils étaient témoins n’étaient que l’exécution des menaces faites antérieurement à son souverain; mais le saint-père, fidèle à ses devoirs, était décidé à tout souffrir plutôt que de blesser sa conscience... Mettant avec confiance son sort entre les mains de Dieu, il se bornait à protester, comme il y était en conscience obligé, contre toute occupation de ses domaines. C’était afin qu’ils pussent à leur tour informer leurs cabinets d’un événement aussi affligeant que par ordre du saint-père la présente communication leur était adressée[2].

Il semble qu’il était difficile d’apporter plus de prudence dans les démarches que commandait à Pie VII le soin de sa dignité et de son indépendance. Il avait poussé la condescendance jusqu’à recevoir le 3 mars au Quirinal le général Miollis, amené par le ministre de France, M. Alquier[3]. Dans cette entrevue, Pie VII, affable comme à son ordinaire, n’avait témoigné d’irritation qu’au sujet des canons qu’on avait la veille si insolemment braqués devant les fenêtres de son appartement. Le général français, alléguant la méprise d’un officier subalterne, promit de les faire retirer, ce qui eut lieu en effet dans la nuit. De la part du général Miollis non plus que de M. Alquier, le saint-père n’avait à redouter personnellement aucun manque d’égards; mais, quelles que

  1. Œuvres complètes du cardinal Pacca, t. 1er, p. 54.
  2. Circulaire du cardinal Casoni aux ministres étrangers près le saint-siège.
  3. « Humble et doux par caractère et par principes, pour vous prouver sa modération dans la douleur que lui causent d’aussi rudes traitemens, le saint-père a chargé le soussigné de répondre que demain à midi il recevra le général Miollis accompagné de votre excellence. » (Le cardinal Casoni à M. Alquier, 2 février 1808.)