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liberté, il n’eût pas manqué de constater comment il était arrivé que Pie VII, resté d’abord assez calme aussi longtemps que son pouvoir temporel lui avait paru seul menacé, avait tout à coup témoigné la plus violente indignation le jour où, par l’arrestation de quelques-uns des membres principaux du sacré-collège, le gouvernement français avait ouvertement foulé aux pieds non plus seulement sa dignité de prince, mais son indépendance sacerdotale. Ce qui avait allumé sa colère, c’étaient les entraves mises à l’exercice des devoirs particuliers qui incombaient au chef de la religion, au pontife chargé du gouvernement intérieur et purement spirituel de l’église catholique. Dans les premiers temps qui suivirent l’occupation de sa capitale, le saint-père s’était en effet montré plus triste qu’irrité. Il n’avait point, on s’en souvient, fait difficulté de recevoir le général Miollis au lendemain de sa brusque irruption dans Rome. Malgré les paroles mensongères dont l’ambassadeur de France l’avait leurré pour dissimuler l’approche des troupes françaises, Pie VII n’avait pas cessé de le traiter comme s’il n’avait eu contre lui aucun sujet de plainte. Lorsque le 8 mars M. Alquier lui avait présenté les officiers de l’état-major français, le pape n’avait trouvé pour les accueillir que les paroles les plus gracieuses. « Nous aimons toujours les Français, leur avait-il dit le sourire sur les lèvres, et quelque douloureuses que soient les circonstances dans lesquelles nous vous voyons aujourd’hui, nous n’en sommes pas moins sensible à la démarche que vous faites auprès de nous. Vous êtes célèbres dans toute l’Europe par votre courage, et nous devons rendre justice aux soins que vous mettez à faire observer une stricte discipline par les soldats que vous commandez. » Des complimens aussi courtois, adressés à des militaires qui se montraient en maîtres dans tous les quartiers de sa ville et jusqu’aux portes de son palais, ne partaient pas d’un cœur bien ulcéré. Il était malaisé de prêter l’inflexible résolution de ne jamais accepter un raisonnable arrangement au prince qui prenait plaisir à traiter avec tant de bienveillance ceux-là mêmes que le gouvernement français employait à le dépouiller des derniers débris de sa puissance temporelle. Il ne faut pas craindre de le répéter, les inquiétudes principales du saint-père se portaient d’un tout autre côté. Satisfait d’avoir sauvé l’honneur du souverain par la protestation affichée sur les murs de sa capitale, résolu, malgré les instances du corps diplomatique, à ne pas sortir de l’enceinte du Quirinal afin de mieux constater qu’il se considérait toujours comme prisonnier. Pie VII avait fait provision de patience. Il ne lui déplaisait pas, en tant que chef d’état, de se renfermer aussi longtemps que possible dans une résistance toute passive, et l’on ne saurait même dire jusqu’où serait allée sa