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stupeur de tous les gens de bien qui se trouvent dans cette ville infortunée[1]? »


Ce préambule était suivi d’une énumération très détaillée de toutes les exigences mises en avant par Napoléon, et du récit des négociations auxquelles elles avaient donné lieu à Paris. Après avoir soigneusement expliqué quelles concessions il lui avait semblé possible de faire parce qu’elles n’entamaient pas l’essentiel de la foi, et quelles étaient au contraire celles qu’il avait dû repousser parce qu’elles étaient contraires aux devoirs du père commun des fidèles, Pie VII rappelait l’invasion à main armée de sa capitale par les troupes françaises et toutes les violences qui en avaient été la suite. Il insistait particulièrement sur l’arrestation des cardinaux napolitains.


« Comment taire, s’écriait-il, ce qui nous a si cruellement, ainsi qu’à vous, déchiré l’âme? Par un horrible sacrilège, sous nos yeux, à la vue de tous les habitans de cette ville qui en gémissaient, on a eu l’audace d’arrêter vos collègues, les cardinaux de la sainte église romaine qui sont originaires du royaume de Naples. On a traité de même les prélats de cette sainte église qui sont nés dans ce royaume, et la plupart d’entre eux ont été conduits vers Naples, accompagnés par des soldats français... C’est pourquoi, si l’esprit de douceur dont nous avons été constamment animé nous a empêché de rappeler nos légats à Rome le lendemain du jour où les Français se sont emparés de cette ville,... nous ne pouvons pas et nous ne devons pas souffrir, tandis qu’on nous tient ici dans la plus dure captivité, qu’au mépris de tout ce qu’il y a de plus sacré nos représentans demeurent encore à Paris, et que leur présence dans cette ville donne à entendre à toutes les nations que, si nous n’approuvons pas tout ce qui se passe à Rome et dans les autres états de notre dépendance, au moins nous n’en sommes pas très fâché. Nous avons donc pensé qu’il était de notre devoir de leur prescrire de faire connaître à l’empereur que, s’il persévérait dans ses sentimens, ils avaient ordre de quitter Paris et de revenir à Rome pour partager avec nous et leurs autres frères le sort qu’il plairait à la divine Providence de nous réserver... »


Ce sort, quel qu’il fût, Pie VII se disait prêt à en supporter toutes les rigueurs avec la plus parfaite résignation.


« Le seul soulagement qui nous reste au milieu des chagrins qui nous accablent, disait-il en terminant, c’est de nous rappeler les grandes preuves d’amour, de dévouement et de respect que nous ont données nos chers fils les Français, lorsque nous étions parmi eux. Nous

  1. Allocution pontificale de Pie VII au consistoire des cardinaux tenu le 10 mars 1808.