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qui ne l’était point, qu’il avait refusé de les signer. Le général Miollis, encouragé par ces fausses rumeurs et s’exagérant d’ailleurs beaucoup l’importance du mouvement d’opinion qu’il croyait voir se prononcer à Rome en faveur du régime impérial, en était venu à penser que le moment était venu de frapper un grand coup d’autorité. Il avait donc envoyé deux officiers français au Quirinal, chez le cardinal Gabrielli, s’enquérir s’il était l’auteur des instructions, à quoi le cardinal avait répliqué qu’interpellé officiellement il n’avait pas autre chose à dire, sinon qu’il n’avait de compte à rendre de ses actions et des affaires dont il était chargé qu’à Dieu et à son souverain; interrogé amicalement, il répondrait sans hésiter qu’il avait en effet signé ces instructions. Le lendemain, les mêmes officiers se présentèrent une seconde fois chez le secrétaire d’état, procédèrent à la levée des scellés qu’ils avaient la veille apposés sur ses papiers, et, après les avoir examinés, lui intimèrent de la part du général Miollis l’ordre de se rendre directement à son logis, où il demeurerait prisonnier jusqu’à ce qu’il fût le lendemain conduit par la force armée à son évêché de Sinigaglia[1]. Cette arrestation du ministre de sa sainteté, qui était Romain de naissance, arrestation faite dans le propre palais de Pie VII, à quelques pas de son appartement, presque sous ses yeux, cette main mise sur les papiers de la secrétairerie d’état par deux militaires français, tout cela n’était pas seulement une forte mesure prise par le général Miollis, ainsi que la qualifiait par une expression très adoucie M. de Lebzeltern écrivant au comte Stadion à Vienne; c’était de sa part une démarche aussi fausse que monstrueuse. L’effet immédiat de cette violence fut de rejeter très vite au second plan la lettre assez malencontreuse adressée aux évêques. Tous les esprits honnêtes, toutes les âmes généreuses, n’éprouvaient plus d’hésitation; l’opinion, un instant indécise, redevenait plus que jamais favorable à la cause du saint-père et contraire au gouvernement étranger dont les agens se permettaient de si étranges abus de pouvoir.

Que pensait cependant l’empereur Napoléon des scènes si nouvelles qui se succédaient si rapidement dans la capitale du saint-siège? La vérité est que son attention était alors à peu près absorbée par d’autres scènes non moins étranges qui venaient de se passer sous ses propres yeux à Bayonne, et dont les conséquences étaient en train de se produire de la façon la plus inattendue pour lui, la plus désastreuse pour nos soldats, sur le versant opposé des Pyrénées. Si nous nous en rapportons à la correspondance de l’empereur, il semble que des impressions contraires se soient tour à tour partagé

  1. Lettre du secrétaire d’état cardinal Gabrielli au général Miollis, 12 juin 1808. — Lettre du même aux ministres étrangers accrédités près la cour de Rome, 17 juin 1808.