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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 décembre 1867.

De quelque parti que l’on soit, quelque opinion qu’on professe sur la constitution et les procédés de gouvernement qui conviennent à la France, jamais on n’a eu parmi nous des idées moins arrêtées sur la marche prochaine et logique des choses, jamais plus épais brouillard n’a retiré la clairvoyance aux esprits. Tout le monde sent fermenter en Europe des causes de perturbation. Les anxiétés deviennent aiguës à la vue de l’état précaire et instable des agglomérations politiques récemment troublées ou formées. En ce moment, les grandes nations européennes sont condamnées à deux sortes de travaux dont la simultanéité rend les difficultés plus nombreuses et plus périlleuses. Elles sont obligées de réorganiser les élémens de leurs institutions intérieures à l’instant même où elles sont contraintes de grossir et d’affermir les conditions de leur sécurité et de leur puissance relative dans la communauté européenne. L’Allemagne annexée à la Prusse par fédération ou par traités, l’Autriche qui tente de se relever par l’autonomie des deux moitiés de la monarchie, l’Italie, champ de bataille de la lutte révolutionnaire provoquée par l’existence factice du pouvoir théocratique, sont liées à cette double tâche. Nous en sommes là, nous, France, aussi. Nous faisons en matière militaire un effort qui est inséparable de résultats politiques et sociaux d’une vaste importance. En remaniant nos institutions de guerre, nous subissons la réaction d’un changement d’équilibre en Europe que l’imprévoyance ou la maladresse de notre diplomatie a laissé produire. Par l’accroissement que nous donnons à nos forces offensives et défensives, nous allons à notre tour exercer sur le reste de l’Europe une pression analogue à celle que nous avons nous-mêmes reçue des événemens de 1866. Enfin les lourds sacrifices demandés par le gouvernement au patriotisme des citoyens trouveront infailliblement leur rétribution légitime. La nation, acceptant de pareilles charges, qu’une politique sage