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l’Afrique sont orientées de telle sorte que les courans atmosphériques saturés de vapeurs ne doivent pas pénétrer à l’intérieur. Les moussons, qui sont des vents pluvieux, soufflent dans une direction parallèle à la côte orientale, et les alizés, qui sont aussi très humides, s’écartent de la côte occidentale. Il n’y a que les bords de la mer et quelques bandes étroites de l’intérieur qui reçoivent la pluie en abondance. Le reste du continent est soustrait à l’influence bienfaisante des brises marines. De là cette rareté des pluies dans le Sahara au nord et dans le désert de Kalihari au sud, la pauvreté de la végétation sur de vastes surfaces de terrain, l’irrégularité du cours des rivières, soumises à des crues intermittentes; de là l’abandon et la solitude de certaines régions, et peut-être aussi la barbarie chronique dont sont atteints les peuples qui s’y maintiennent. Pour régénérer l’Afrique d’une mer à l’autre, il ne faudrait qu’une addition notable à la quantité d’eau qui lui est départie. Est-ce une amélioration qu’il soit permis à l’homme d’espérer? L’industrie humaine n’est pas dépourvue de ressources devant un tel inconvénient; déjà même on voit dans la partie nord-est du Sahara comment elle lutte contre le fléau de la sécheresse. Les premiers ingénieurs qui parcoururent la dépression du Melghir annoncèrent tout de suite que les puits artésiens y réussiraient à merveille. Les indigènes connaissaient l’art de faire sortir du sol des sources jaillissantes, mais les procédés de forage auxquels ils avaient recours restaient souvent impuissans. Nous leur avons apporté nos sondes perfectionnées, nous avons multiplié les puits, vivifié les sables, transformé les terres ingrates en de verdoyantes oasis. C’est peut-être celui des bienfaits de l’occupation française auquel les indigènes ont été le plus sensibles. Ce coin du désert se repeuple à mesure que l’eau revient à la surface du sol; mais les hauts plateaux du Hoggar et du Fezzan, où les puits artésiens sont impraticables, semblent condamnés à la stérilité. Si quelque découverte imprévue n’y vient porter remède, le grand Sahara, où les caravanes marchent des semaines entières sans rencontrer une goutte d’eau, méritera éternellement le triste surnom de pays de la soif.

Cependant il serait téméraire d’affirmer que les Européens sont à tout jamais exclus du Sahara, puisque les Touaregs, qui l’habitent depuis des siècles, sont des hommes à peau claire. Certes, si l’on s’attendait à retrouver quelque part la race blanche au milieu des innombrables tribus de race mélanienne qui se partagent le sol africain, on aurait cru que ce devait être dans les plaines du Zambèse ou sur le plateau central, ou même sur le littoral marécageux du golfe de Guinée, plutôt qu’au sein d’un désert torride. Néanmoins les Touaregs sont des blancs, et ce sont même des blancs qui n’ont pas trop dégénéré. Ces fiers nomades qui pilotent les ca-