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est à bon droit célèbre ; on les connaît au moins de nom, ce sont la mimosée pudique, vulgairement appelée sensitive, et la dionée attrape-mouche, ou gobe-mouche tout simplement. La mimosée pudique est la reine des sensitives. Cette papilionacée est originaire de l’Amérique méridionale. C’est généralement une plante frêle, surtout celle de nos serres ; les rameaux sont menus, délicats, et les feuilles, composées de quatre doubles rangées de folioles ovales et rapprochées sur un pétiole commun, se rattachent à la tige par un certain nœud ou renflement dans les tissus duquel s’opèrent ces mouvemens curieux qui tout d’abord ont attiré l’attention des physiologistes. La mimosée, qui naturellement n’est étrangère à aucune des manifestations de la sensibilité végétale, est douée de la faculté de s’endormir suivant les modes qui ont été décrits plus haut. Le soir venu, elle rapproche et incline ses folioles, replie ses pétioles généraux, vers minuit les remue insensiblement ; puis, dans un ordre inverse, elle relève tigelles et feuilles aux premiers rayons du soleil. Ces phénomènes sont d’une périodicité fixe. Ils s’accomplissent aussi bien dans le vide qu’à l’air libre, et sont même à peine atténués par l’immersion complète de la plante dans l’eau ; mais il s’en faut bien que là se borne la motilité de la mimosée. Indépendamment de ces évolutions lentes qui se trouvent en rapports immédiats avec la végétation, elle en effectue d’autres subitement et en toute circonstance suivant les excitations accidentelles qui lui viennent du dehors. Celles-là sont innombrables et varient singulièrement.

Il serait vraiment difficile de se faire une idée de l’exquise sensibilité de cette papilionacée. Le moindre choc, le plus léger contact, un simple bruit, une odeur forte même, occasionnent chez elle des ébranlemens plus ou moins considérables. Si l’on pince une foliole ou bien qu’on la coupe avec des ciseaux, elle s’élève aussitôt ainsi que sa voisine de face ; le même effet se reproduit dans les paires contiguës, puis dans les suivantes ; toutes se ferment ainsi l’une après l’autre, et alors le pétiole commun s’affaisse brusquement comme s’il obéissait à la détente d’un ressort. Si la secousse a été violente, ce n’est pas seulement la feuille attaquée qui manifeste son effroi, toutes celles de la plante frémissent, et l’émotion générale semble provenir de la transmission d’un véritable signal d’alarme. Des irritations chimiques d’espèces diverses exercent également sur la mimosée les plus remarquables influences.