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pendant l’ouvrage, on peut le dire, n’en aura pas moins renouvelé l’histoire du peuple hellénique. M. Grote a porté dans ce travail des opinions fortement démocratiques, et nous ne le lui reprochons pas. La Grèce, surtout Athènes, est la gloire de la démocratie, quoique son exemple puisse médiocrement servir à nos démocraties modernes ; mais peut-être les opinions philosophiques du savant historien semblaient-elles dès le premier abord le préparer moins heureusement à l’exposition et à l’examen de la philosophie athénienne. Il n’en a pourtant pas jugé ainsi, et avec sa résolution ordinaire, avec sa consciencieuse habitude d’embrasser tout son sujet, de remonter à toutes les sources pour redescendre à tous les détails, il a entrepris un vaste travail sur les écoles grecques. Il a commencé par Platon, il continuera par Aristote.

Nous sommes donc, grâce à lui, en présence de trois forts volumes sous ce titre : Platon et les autres disciples de Socrate[1]. Ils contiennent d’abord deux chapitres sur la philosophie spéculative en Grèce avant Socrate, une vie de Platon, un travail sur le nombre, l’authenticité, l’ordre chronologique, le caractère général de ses ouvrages; puis, commençant par l’Apologie de Socrate, l’auteur les prend l’un après l’autre, les analyse, les apprécie, et, au terme de cette revue complète, qui ne comprend pas moins de trente et un chapitres, il en consacre deux aux autres disciples du même maître, dont le plus célèbre est Xénophon. La partie essentielle consiste dans les analyses. Elles sont, bien entendu, toutes faites sur le texte. Elles sont très développées, généralement fidèles, assez souvent littérales, et fréquemment interrompues ou suivies de remarques critiques, toujours de notes substantielles qui indiquent une connaissance rare de tout ce que l’Allemagne a publié sur Platon et une certaine familiarité avec les systèmes et les questions philosophiques. Trois volumes, chacun d’environ six cents pages et d’une impression serrée, c’est assez, on en conviendra, pour bien connaître Platon ; mais je ne sais si l’on n’aurait pas plus tôt fait de lire Platon lui-même.

Je ne veux pourtant pas dire qu’on fût assuré de le connaître aussi bien. A moins d’en faire l’objet ordinaire de ses études favorites, nul ne peut aisément se rendre compte d’une doctrine philosophique lue dans les originaux, s’il n’y est comme introduit par un guide qui lui en explique l’origine, la direction, le rôle et quelquefois la juste signification. Lorsque surtout cette doctrine est celle de Platon, les formes variées qu’elle affecte, l’indécision, l’inconsistance apparente ou réelle de certaines opinions qu’il sem-

  1. Je traduis par disciples le mot anglais de companions, qui ne peut guère être traduit littéralement.