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percé un petit trou fournit le point lumineux; le rayon qui en émane arrive sur le premier miroir, qui le renvoie au second, d’où il tombe sur un écran ou bien directement sur la rétine de l’œil. Tant que les diapasons restent en repos, on ne voit qu’une petite étoile fixe; mais dès qu’on les ébranle par un coup d’archet, cette étoile se transforme en un sillon lumineux d’une forme plus ou moins entortillée dont l’aspect révèle aussitôt le rapport musical des deux appareils. S’ils sont à l’unisson, la courbe lumineuse qui se peint sur le mur sera un cercle ou une simple ligne droite; s’ils sont à l’octave, on verra un huit, et ainsi de suite. Les deux notes écrivent ainsi elles-mêmes leur intervalle musical en traits de feu. Ce procédé d’observation est fort utile pour accorder avec une précision mathématique un diapason quelconque sur le diapason fondamental du Conservatoire.

Une autre méthode non moins ingénieuse est celle des flammes de Kœnig. A l’extrémité d’un bec très fin brûle une flamme nourrie par un courant de gaz qui palpite sous la pression périodique d’une membrane insérée dans la paroi du conduit. La voix ou un autre son quelconque fait vibrer la membrane. Celle-ci se creuse, se gonfle en mesure, et, agissant sur la flamme comme un soufflet, la fait tour à tour pâlir et flamber. Si on regarde cette flamme dans un miroir tournant, on l’y aperçoit, tant qu’elle est en repos, sous la forme d’une traînée lumineuse d’une largeur uniforme; mais cette bande de lumière devient un ruban dentelé dès que la flamme subit l’action du mouvement vibratoire, et à chaque trépidation correspond une pointe plus ou moins élevée. Grâce à cette nouvelle pyromancie, on peut se rendre compte par les yeux de la constitution intime des sons, du timbre des voyelles et des phénomènes les plus complexes et les plus curieux de l’acoustique.

Il existe enfin un moyen très simple d’obtenir sur une feuille de papier un tracé figuratif des vibrations sonores, en d’autres termes de faire écrire les diapasons. La première idée de la phonographie est due à Guillaume Weber; c’est aujourd’hui l’une des branches auxiliaires les plus précieuses de la physique expérimentale. Ayant fixé à un corps vibrant une barbe de plume, promenez-la rapidement sur une feuille de papier recouverte de noir de fumée, de manière que la plume reste en contact avec la surface noircie. Il se produira un sillon blanc ondulé dont l’aspect révélera toutes les circonstances du mouvement vibratoire. Ce procédé n’est pas seulement d’une importance très grande pour l’étude des sons, il fournit aussi le moyen de diviser une seconde en fractions aussi petites qu’il vous plaira, par exemple en millièmes. Un diapason qui fait mille vibrations par seconde (il donne alors l’ut au-dessus de notre la officiel) tracera sur la bande de papier d’un appareil télégraphique une courbe qui, pour chaque seconde, offrira mille replis. La grandeur des plis dépendra de la vitesse avec laquelle l’appareil dévidera la