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même de la bataille, au bivouac prussien, l’un des plus grands esprits du siècle, Goethe, prononçait un jugement que l’avenir a confirmé : « Ici et aujourd’hui, dit-il, commence une nouvelle ère de l’histoire. »

M. de Bourgoing a raison : c’est à partir de cette journée de Valmy, confirmée dans ses généreux résultats par celle de Jemmapes, que le conflit engagé entre la France et l’Europe prend enfin son vrai caractère et que la lutte de principes, jusque-là reléguée sur le second plan, s’élève à l’importance qu’elle a gardée jusqu’à nos jours. Par un retour agressif, nos armées victorieuses vont franchir la frontière à leur tour et déborder en Belgique, en Hollande, en Allemagne ; mais, isolées sur ce nouveau terrain, le patriotisme et la valeur militaire ne leur suffisent plus, et la propagande des idées est appelée en aide à la force chancelante des armes. La convention provoque tous les peuples à la rébellion, et substitue à la défense de l’indépendance nationale la poursuite de la révolution universelle. En même temps, dans tous les cœurs nourris de l’orgueil royal, le dédain fait place à la haine contre les principes qui, après les avoir humiliés dans leur superbe, les menacent maintenant dans leur sécurité, et, le feu ainsi attisé des deux côtés d’heure en heure, la lutte arrive à un incroyable degré d’acharnement. C’est là que s’arrête pour aujourd’hui le récit de M. de Bourgoing, et c’est peut-être aussi pour son lecteur l’occasion de s’arrêter avec lui et d’étudier en eux-mêmes ces principes qui ont coûté à la France tant de sanglans efforts et au monde tant de ruines et de larmes. Il ne s’agit point, je l’ai dit et cela va sans dire, de les suivre dans toutes leurs applications politiques et sociales. Ce serait embrasser l’histoire et la philosophie tout entières ; mais, au point de vue particulier que suggère le livre de M. de Bourgoing, quels en ont été les effets sur les relations réciproques et le maintien de la paix européenne ? S’ils n’ont guère été jusqu’ici qu’un brandon de discorde, sont-ils destinés à le demeurer toujours, et à quelle condition peuvent-ils devenir le gage d’une future union ?


II

Si l’on veut se faire une juste idée du trouble apporté dans les relations internationales par les principes de la révolution française, il faut se représenter le désordre que causerait dans l’intérieur d’un état une législation improvisée qui modifierait à jour donné, avec effet rétroactif, les bases ainsi que tous les modes d’acquisition et d’exercice de la propriété civile. Non-seulement chaque propriétaire serait atteint par cette soudaine innovation