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de la cour (bench), avec des bureaux placés de proche en proche pour l’usage des magistrats. Ce tribunal est présidé dans les cas ordinaires par le recorder ou le common sergeant de la Cité de Londres, et dans les occasions solennelles par un des juges de Westminster. Le banc du jury (jury box), celui des témoins (witness box), ceux des avocats, des conseillers et des reporters remplissent le reste de la salle, que domine la galerie ouverte au public. Quant aux curieux avides de spectacle, rien dans ces divers arrangemens ni dans les formes extérieures de la justice anglaise ne saurait beaucoup les émouvoir ; mais qu’il en est tout autrement pour ceux qui sous le voile des faits recherchent surtout les traits de la grandeur morale ! L’accusé est introduit dans le tribunal par un passage couvert qui communique au moyen d’un escalier avec l’intérieur de la prison. Il paraît alors devant ses juges, selon l’expression d’Erskine, « couvert tout entier de l’armure de la loi. »

Le caractère des peuples modernes se mesure au respect de la dignité humaine. Encore la considération envers les grands, les forts, les puissans, est chose commune et facile à obtenir ; mais en est-il de même quand il s’agit d’un misérable soupçonné d’avoir commis un crime ? Là est l’effort, là commence vraiment la victoire de la civilisation sur la barbarie. Persuadés que la société tout entière s’abaisse dès qu’un de ses membres est injustement humilié, les Anglais n’ont rien négligé dans ce cas pour entourer d’égards l’infortune. Il était beau d’entendre, il y a quelques années, un magistrat, M. Hill, rappeler aux jurés que « si pauvres que fussent les prisonniers, si douteux que fût leur caractère, ils étaient leurs égaux au point de vue du droit. » Dans ce pays, on respecte toutes les libertés, même celle du malfaiteur, jusqu’au moment où celui-ci se trouve atteint et convaincu par la sentence de ses pairs. Ne faut-il pas qu’il en soit ainsi ? N’est-ce point le seul moyen de conserver intact le dépôt des franchises personnelles auquel nos voisins attachent tant de prix, et qu’ils ont amassé par tant de luttes héroïques ? De toutes les tyrannies, la plus odieuse est celle qui s’exerce sous le masque de la loi et avec les armes de la justice. Qu’on dise aujourd’hui : Ce n’est qu’un voleur ; on dira demain : Ce n’est qu’un fenian, et de degré en degré les garanties qui protègent également tous les citoyens se seront bientôt évanouies l’une après l’autre du sol britannique. Les partis, quels qu’ils soient, se doivent à eux-mêmes de conjurer par tous les moyens ce que nos voisins appellent l’oppression de l’accusé. Il s’en faut sans doute de beaucoup que tous les procès aient un caractère politique ; depuis une trentaine d’années, Dieu merci, on n’a point vu d’Anglais traduit devant les tribunaux pour ses opinions. Qui pourtant