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ressort. Ainsi qu’il fallait s’y attendre, les pouvoirs de la commission intermédiaire prirent une extension progressive. En 1740, nous la voyons absorber la direction des haras, dont les inspecteurs et les agens sont nommés par elle ; quatre ans plus tard, elle s’empare du service des grands chemins, le premier de tous pour l’importance dans une vaste péninsule qui, avant l’administration du duc d’Aiguillon, ne comptait guère qu’une seule grande route carrossable, allant de Rennes à Brest. Cette commission devint, vers le milieu du XVIIIe siècle, le rouage principal d’une administration très vigilante, et, lorsque les états se laissèrent aller aux violences dont j’aurai bientôt à présenter le tableau, ses membres conservèrent presque toujours la mesure et le sang-froid que donne la pratique des affaires.

Aucune agitation ne se révéla dans la province tant que le pouvoir y fut exercé par le maréchal d’Estrées, parce qu’en exécutant des ordres arbitraires celui-ci ne manquait jamais soit d’en décliner la responsabilité, soit d’en tempérer la rigueur ; mais l’état des choses changea lorsque M. le duc de Chaumes fut investi du commandement de la Bretagne sous l’autorité nominale du jeune duc de Penthièvre, qui avait succédé en 1737 au comte de Toulouse, son père. M. de Chaumes portait un nom impopulaire dans ce pays, et manquait des qualités nécessaires pour effacer des souvenirs malheureux. Cachant une hésitation perpétuelle sous les dehors d’une fermeté d’emprunt, il irritait sans effrayer. Capricieuse et hautaine, la duchesse de Chaulnes se targuait de son intimité bien connue avec Mme de Pompadour, sans retirer à Rennes d’une pareille liaison aucun des avantages qu’elle lui procurait à Versailles. Entre beaucoup de fautes, la gouvernante fit celle de se brouiller par calcul avec l’évêque de Rennes, antipathique à la favorite à cause des liaisons étroites qu’il entretenait avec le comte d’Argenson, rival, dans le cabinet, de M. de Machault, alors soutenu par Mme de Pompadour. Académicien et diplomate, homme d’affaires et bel esprit, l’abbé de Vauréal exerçait au sein des états une véritable dictature. Rompre avec lui, c’était se préparer les plus sérieux embarras au moment où les circonstances commandaient la plus grande prudence. Les difficultés financières s’aggravant de jour en jour malgré la paix, on fut conduit en 1748 à décréter le premier de ces trop fameux vingtièmes qui s’accumulèrent bientôt les uns sur les autres. Hardi dans ses vues et dans le choix de ses moyens, M. de Machault avait conçu un plan d’après lequel aucune propriété, même de mainmorte, n’aurait échappé à l’œil ni à la main de l’autorité centrale. Personne n’ignore les violens débats de ce ministre avec le clergé à l’occasion de l’inventaire projeté de toutes les propriétés ecclésiastiques ; mais on ne connaît pas l’histoire des