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majesté ; » mais à cet octroi l’assemblée paraissait vouloir attacher une sorte de condition exprimée en termes ambigus, en déclarant que le vote avait été déterminé par un seul motif, « l’entière confiance où ils étaient que le roi daignerait exaucer le vœu unanime des états en leur accordant l’abonnement. » Enfin, comme pour escompter cet espoir en affectant une confiance qui ne pouvait être sincère, les états votèrent pour cet abonnement éventuel une somme annuelle de 900,000 livres.

Au fond, le vote du vingtième était acquis pour la couronne, et la clause qu’on y avait attachée demeurait manifestement facultative, puisqu’on n’en avait pas fait la condition expresse du vote lui-même. Toutefois ce qui était clair pour tout le monde en 1749 avait cessé de l’être deux ans plus tard, parce que la passion ne manque jamais de faire succéder l’obscurité à la lumière. Arrivée aux états de 1752 exaspérée contre le vingtième et bien plus encore contre le système de la régie, la noblesse affecta de considérer la question comme étant demeurée entière. Les états s’ouvrirent à Rennes le 25 septembre, et aussitôt après l’octroi du don gratuit le second ordre déclara qu’il ne s’occuperait d’aucune affaire avant d’avoir vidé celle du vingtième, annonçant sans détour qu’il irait jusqu’au refus de l’impôt, si la cour ne cédait pas sur l’article de l’abonnement. Invitée par le duc de Chaulnes, qui remplissait les fonctions de premier commissaire du roi, à commencer ses travaux, la noblesse répondit qu’elle n’en ferait rien, et, les deux autres ordres ayant élu suivant l’usage les diverses commissions, elle refusa de compléter celles-ci, demandant qu’un rapport spécial sur le nouvel impôt précédât toute autre délibération. Sur une plus vive insistance de M. de Chaulnes rappelant l’assemblée, à l’observation de son règlement, un cri immense remplit la salle : « Le vingtième ! rien que le vingtième ! »

L’église et le tiers, s’étant retirés dans leurs chambres respectives, laissèrent la noblesse en émeute sur le théâtre. Ces deux ordres concertèrent une rédaction contournée qui, tout en réservant les droits de la province, donnait une sorte de satisfaction aux commissaires du roi. Lorsqu’elle fut lue en séance publique, cette rédaction fut accueillie avec des cris de fureur partis des bancs des gentilshommes. M. de Vauréal, qui présidait l’assemblée générale, n’en conserva pas moins l’espérance de faire passer cet avis à la majorité de deux ordres contre un ; mais la noblesse, après avoir invoqué le caractère financier de la proposition pour empêcher le vote à la majorité simple, imagina d’élever contre la proposition un obstacle bien plus décisif. Se prévalant des termes du règlement de 1687, qui exigeait un avis exprimé par les trois ordres avant que l’assemblée ne prononçât, même à deux ordres contre un, elle