Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 73.djvu/736

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

royaume l’annonce d’une bataille livrée à la monarchie par leurs collègues des autres classes du parlement.

L’année 1763 avait été remplie par les nombreux incidens de cette lutte. Les parlemens de Rouen, de Grenoble, de Pau, de Toulouse, renchérissant sur celui de Paris, ne s’étaient pas bornés à disserter sur la nature et l’étendue du droit de remontrance ; ils avaient prétendu traduire à leur barre les commandans de provinces et avaient dénoncé à l’opinion publique les représentans directs de l’autorité royale. Toutes les cours souveraines s’étaient empressées de s’approprier leurs griefs, en y joignant des remontrances d’un caractère plus général. Celle de Rennes, surexcitée par le conflit politique engagé sous ses yeux, dépassa bientôt toutes les autres, et, par un concours de circonstances fatales, le duc d’Aiguillon fut la victime immolée par la magistrature française à des ambitions appelées à un triomphe éclatant, mais éphémère. Dans les premiers jours de 1764, le parlement de Rennes se réunit afin de préparer des remontrances analogues à celles qu’avaient déjà rédigées la plupart des cours souveraines. Dans ce document, discuté à huis clos, fut introduit un paragraphe conçu en termes généraux, mais dont la portée ne pouvait être méconnue. Il dénonçait au roi, sans les préciser d’ailleurs, des abus graves et nombreux introduits dans l’administration de la province, ajoutant que de pareilles atteintes aux droits du pays et des citoyens n’étaient possibles que « lorsque le despotisme se croyait assuré de l’impunité. »

A la porte même de Rennes, où il rentrait après un long séjour dans ses terres commandé par l’état de sa santé, M. d’Aiguillon eut connaissance de la grave démarche à laquelle rien ne l’avait encore préparé. Avec une vivacité qu’explique celle de l’attaque, il témoigna aux magistrats venus selon l’usage pour le complimenter les sentimens douloureux qui débordaient de son cœur. Laissant comprendre qu’il attribuait cette rédaction, à laquelle chacun des assistans se défendait d’avoir concouru, à l’inimitié personnelle du procureur-général, il somma les auteurs des remontrances d’indiquer les faits sur lesquels portaient de pareilles imputations, sous peine de joindre aux torts de la calomnie ceux de la lâcheté. Ce défi ne tarda point à être relevé. Le parlement se trouva dans le cas de rédiger quelques semaines après cette scène une réponse à la déclaration de M. de Laverdy, nouveau contrôleur-général choisi par Louis XV au sein de la magistrature dans la vaine espérance de préparer une conciliation entre son gouvernement et les cours souveraines. Après avoir chaleureusement défendu toutes les prétentions des états, le parlement abordait les questions relatives à