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ENCORE UN MOT
SUR SADOWA

La campagne qui s’est terminée par la bataille de Sadowa a été jugée surtout par l’imprévu et la grandeur de ses résultats. Notre amour-propre s’était volontiers accommodé de l’idée que les Autrichiens, battus par nous en 1859, triompheraient à leur tour de soldats qui n’avaient paru sur aucun grand champ de bataille depuis Waterloo ; mais l’événement a trompé notre attente, et l’armée prussienne a remporté sur nos adversaires de Solferino des victoires dont la rapidité et la facilité nous ont confondus. Après avoir commis la faute d’apprécier trop légèrement la valeur de l’armée prussienne, après y avoir ajouté celle de ne rien faire pour prévenir les événemens qui allaient augmenter la puissance de cette armée, nous n’avons pas su envisager de sang-froid les faits accomplis, et nous nous sommes laissés aller à une émotion exagérée, peu digne d’un pays comme la France. Était-ce bien là réparer notre erreur ? Et la loi militaire, dont la pensée a été conçue au milieu de ce trouble des esprits, cette loi qui va imposer de si lourdes charges à nos populations et qui déjà y jette une perturbation si grande, était-elle bien nécessaire ? Il n’est plus temps de se le demander, aujourd’hui qu’elle a été adoptée par nos deux assemblées. Déclarée désastreuse par les uns, inutile et pleine de contradictions par les autres, désagréable à tous, elle n’en a pas moins été votée par scrupule patriotique. Jamais en France on n’a refusé au gouvernement, quel qu’il fût, ce qu’il réclamait comme nécessaire à la défense du pays. Il faut cependant s’entendre sur ce mot défense du pays. Il ne peut être ici question d’une nouvelle lutte à soutenir