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de tous ces nobles, amis ou ennemis du taïcoun, dont les noms reviennent dans les confidences des agens du gouvernement de Yeddo, qui se rappelait ce nom-là, caché qu’il était sous le titre de Matzdaïra Daizen-No-Dabou, titre sans rapport aucun avec l’appellation de ses états ? Cependant, en cherchant dans les événemens qui ont précédé le fameux décret d’expulsion, on trouve partout la main, dont on a jusqu’alors trop négligé l’action, du prince de Nagato. Les renseignemens officiels de Yeddo nous le désignent comme un des aspirans au taïcounat ; il est à côté de Satzouma quand celui-ci dénonce au mikado le traité conclu avec les étrangers ; ce sont ces deux princes qui, pour se rendre sympathiques au pouvoir, offrent à l’empereur dix mille piculs de riz de la part de son peuple de Kioto ; enfin Nagato est un des quatre daïmios chargés de veiller à la sûreté du mikado, lorsque le taïcoun est mandé dans la capitale pour rendre compte de ses actes. De Ha-kodadé on le peint commue un homme très hostile aux étrangers ; quelques jours avant l’attentat, une lettre officieuse de Nagasaki, rendant compte des bruits qui circulent à ce moment d’effervescence générale, s’exprime en ces termes : « Satzouma et Matzdaïra Daizen ont obtenu du mikado de destituer le taïcoun actuel pour donner sa place à l’un d’eux. Ils ont aussi persuadé au mikado que le meilleur moyen d’arriver à ce résultat était d’enjoindre au taïcoun de déclarer la guerre aux étrangers, en assurant qu’il ne voudrait point le faire, qu’il préférerait abdiquer lui-même plutôt qu’adopter une pareille mesure. »

C’est le 24 juin que le décret d’expulsion a été officiellement remis aux représentans étrangers par Ongasawara ; le 25, les forts de Simonoseki et les navires de Nagato ouvrent le feu sur un petit vapeur américain, le Pembroke, qui rebrousse chemin devant ce formidable concert d’artillerie. Successivement la France, la Hollande et les États-Unis ont à venger l’insulte faite à leur pavillon et s’en acquittent avec succès. Dans l’état des choses, le détroit de Simonoseki est fermé au commerce ; convient-il d’admettre sans mot dire ce procédé ? Faut-il que chaque bâtiment de guerre soutienne son combat particulier contre les batteries japonaises jusqu’au jour où un accident malheureux de navigation, une avarie ou un échouage, toujours à craindre dans des parages aussi difficiles, viendra exalter le moral de l’ennemi en lui livrant une proie d’aussi grande valeur ? Chacun de ces combats, quelque honorables qu’ils soient pour nos armes, a coûté des vies précieuses ; ce serait folie que de ne pas s’entendre pour mettre fin à une pareille situation. Un dernier scrupule, respectable sans doute, retient encore les puissances européennes, qui ont reconnu dans le taïcoun le représentant du