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la plupart à réparer ou à construire. Notre ancienne situation rendait donc l’équilibre des budgets impossible à réaliser, même d’ici à de longues années, et la colonie restait une lourde charge pour la France.

Après la prise des trois provinces du sud, les cahiers d’impôts des villages, dépouillés avec soin, permirent d’établir aussitôt un avant-projet de budget de recettes basé sur les chiffres officiels de l’ancien régime annamite, et l’on acquit la certitude que les revenus de toute la Basse-Cochinchine s’élèveraient, pour l’exercice 1867-1868, à plus de 8 millions et demi, sans compter la valeur des corvées. Dès le lendemain de notre prise de possession, les ressources locales atteignaient donc un chiffre que nous n’osions pas espérer de longtemps avec notre position sans frontières sérieuses. L’annexion des trois provinces nous a fait avancer de dix années en un jour, et à ce point de vue on ne saurait trop approuver une décision qui a créé la sécurité de la colonie, et double ses revenus sans effusion de sang. Là ne s’arrêtent pas les résultats obtenus par notre conquête. Les mêmes calculs qui faisaient prévoir l’accroissement des revenus dans notre occupation restreinte acquièrent une précision bien plus grande pour la même période de dix années, maintenant que nous dominons sur la totalité du sol. Dès à présent en effet disparaît toute incertitude sur les événemens qui vont se produire, car la pression occulte des mandarins sur la population annamite est anéantie. On ne verra plus cette masse de gens et de produits changer en quelques heures de rives de fleuve, et par conséquent de patrie, laissant par leurs continuelles émigrations des terrains en friche aussi bien de notre côté que de celui de l’ennemi. A l’extérieur, nous redevenons maîtres de tout le commerce du golfe de Siam. La piraterie cesse sur ces côtes. Le cabotage de Bangkok, rassuré déjà par un traité récemment conclu avec nous, peut reprendre son ancienne route si productive des ports d’Hatien et du Rac-gia. L’écoulement des denrées du Cambodge s’effectue à l’intérieur par le réseau de nos arroyos ou par les bras du Mékong sans dommages ni droits fiscaux. Les impôts de guerre, payés en nature chez les Annamites et diminuant ainsi l’exportation du riz, disparaissent. Les douanes inutiles qui barraient pour ainsi dire chaque coude de canal et gênaient toutes les transactions sont abolies. L’impôt des milices, qui pesait lourdement sur les villages en hommes et en argent, abaissé d’abord de un homme sur sept à un soldat sur quatorze, est descendu à un sur vingt et un. La circulation si grande des barques augmente encore, et les causes de misère, amenées par l’état de trouble permanent, le manque de bras et de commerce, s’évanouissent par le seul fait de notre