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Un homme est là, seul et debout,
Inquiet, luttant pour se taire.

L’œil aux aguets, l’oreille au vent,
Il cherche, il, écoute : personne !
C’est la charmille qui frissonne
Et quelque autre bruit décevant.

Sous les grands arbres dont la lune
Baigne les rameaux attiédis,
Qui donc attend cet Amadis,
Ce beau chevalier de fortune ?

Amadis ! Je me trompe : non,
Même à travers la nuit fantasque,
On reconnaît, à voir le masque,
Qu’ici ne convient pas ce nom.

Objets charmans, divines ombres,
Nymphes de ces retraits jaloux,
Quelle que soit celle entre vous
Qu’on attende sous ces bois sombres,

Hâtez-vous, pressez les instans,
Sur vos ailes les plus légères
Accourez, blondes messagères,
Car l’amoureux n’a plus vingt ans.

Le galantin, faut-il le dire ?
Est un voltigeur de Tempe,
Mais si superbement campé
Que Vénus l’écoute sans rire.

Et qui donc rirait, quand il est
Rohan et prince de l’église ?
Qui donc, duchesse ou Cidalise,
Rirait d’un Rohan, s’il vous plaît ?

Est-ce un tel seigneur qu’on plaisante,
Un cardinal de si grand air,
Qui trouve, comme Jupiter,
Partout Danaé complaisante ?

L’or et les bénédictions,
De sa belle main qu’on encense,
Tombent avec la même aisance
Sur toutes les afflictions,