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rapports confus, et ne semblent point solidaires des changemens qui s’y accomplissent. D’autres êtres, en possession d’une organisation plus riche, plus active, plus souple, plus susceptible de se compliquer et de se perfectionner, étaient destinés au rôle d’animaux terrestres. Ce sont les mammifères, chez qui la variété des régimes, des instincts, des habitudes, a peu à peu amené la diversification des types, et dont les commencemens furent cependant très obscurs. Cette obscurité, qui contraste avec l’éclat de leur destinée future,, donne un attrait tout particulier aux recherches concernant leur origine. Les plus anciens vestiges relatifs à la classe des mammifères. dans l’état présent de nos connaissances, remontent aux premiers temps de la période jurassique ou même à la fin. du trias. Ils dénotent des marsupiaux de très petite taille, peut-être aussi des rongeurs. Dans deux localités célèbres, correspondant l’une au milieu, l’autre à la fin de la période jurassique, on a encore observé des mammifères. Ceux de Stonesfield, connus depuis longtemps, malgré certaines ambiguïtés de caractères, ressemblent aussi à des marsupiaux, et leur dentition indique des insectivores. Les autres, trouvés plus récemment dans les couches du Purbeck, en Dorsetshire, se rattachent à des types analogues ; leur taille varie depuis celle de la taupe jusqu’à celle du hérisson. Quelques-unes de ces espèces, d’après M. Falconer, seraient plutôt de petits carnassiers que de simples insectivores. Enfin deux espèces seulement, découvertes en 1857 dans le Dorsetshire, ont présenté un type assez voisin des kanguroos actuels de la Nouvelle-Hollande pour que le même docteur Falconer ait pu conclure que leur régime avait dû se composer de végétaux, surtout de racines, qu’ils auraient déterrées en fouillant le sol, comme leurs congénères australiens. Ainsi il n’y avait qu’un très petit nombre de ces mammifères primitifs qui fît sa nourriture exclusive des végétaux. Par ce dernier point, nous touchons au grand obstacle qui s’opposait au développement de cette classe. La végétation ne fournissait encore que très peu de parties nutritives. Nos herbivores d’aujourd’hui auraient vainement erré à travers les thuyas, les araucarias, les cycadées, les touffes de fougères et de prêles des régions jurassiques en y cherchant des herbages ; à peine rencontrait-on alors quelques racines succulentes, et les fruits des conifères et des cycadées pouvaient seuls offrir des amandes comestibles. Presque aucun lien harmonique ne réunissait donc les deux règnes ; ils poursuivaient isolément leur rôle. Les grands carnassiers ne pouvaient apparaître avant les races herbivores destinées à leur servir de proie, et celles-ci demandaient pour se. montrer une flore plus variée et plus abondante. Le développement des mammifères se trouvait ainsi entièrement subordonné à celui de la végétation terrestre. Or, à l’époque,