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fougères, de conifères et de cycadées, mais.encore des vestiges de feuilles pareilles à celles de nos arbres ordinaires, et attestant la révolution végétale en voie de s’accomplir. La plupart de ces débris sont en assez mauvais état ; ceux qui nous intéresseraient le plus à cause de la classe alors toute récente dont ils ont fait partie sont malheureusement très mutilés. Il est vrai, comme le remarque M. Lyell, que, si les plantes terrestres de l’époque crétacée sont peu connues, cette rareté s’explique d’elle-même par l’origine purement marine de la plupart des roches de cette formation. Les temps approchaient cependant où le développement de l’espace continental allait se traduire par la diversification des conditions extérieures et des êtres adaptés à ces conditions. Les eaux courantes, traversant pour atteindre la mer un espace plus étendu et un sol plus accidenté, devaient finir par s’accumuler au fond des parties déprimées soit dans l’intérieur des terres, soit au bord des plages récemment émergées. Ces phénomènes se produisirent en effet, et la végétation qui recouvrit l’Europe vers la fin de la craie reflète par la mobilité de ses traits et les contrastes qu’elle présente, suivant les lieux où on l’observe, la souplesse avec laquelle elle dut varier ses formes. Ce dernier âge d’une si longue période porte tous les caractères, d’un temps de transition. On y remarque une foule d’ambiguïtés et d’anomalies apparentes ; les vestiges du passé y coudoient les germes à peine éclos de l’avenir ; les liens, faibles parfois entre deux localités attenantes et presque contemporaines, sont étroits au contraire entre des points très éloignés l’un de l’autre. Il est vrai que les recherches sont récentes, les lacunes immenses.

Dans la Provence actuelle, que la mer venait de quitter et que recouvraient en partie des lagunes marécageuses, croissait alors une plante aquatique dont il a été possible de reconstruire les diverses parties. Vigoureuse, haute de plusieurs pieds, elle se multipliait rapidement grâce à une organisation merveilleusement disposée pour le rôle qu’elle remplissait. Pourvue de grandes feuilles allongées et fermes comme celles des roseaux du midi, elle avait la faculté singulière de développer des racines aériennes qui descendaient dans l’eau de tous côtés, et, comme autant de légers cordages, la soutenaient, tout en pompant les sucs nourriciers. Ces sortes de plantes, que la France méridionale a longtemps conservées, n’avaient qu’une analogie lointaine avec certaines familles aujourd’hui entièrement exotiques, comme les restiacées et les pandanées, amies comme elles des lieux inondés. Elles propagèrent alors leurs innombrables colonies à la surface des vastes lagunes qui existaient sur le territoire de la ville d’Aix et les convertirent en tourbières. C’est aux débris accumulés de ces plantes que sont dus des