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d’espèces, et la taille des principales étonne l’esprit le moins prévenu.

Il faut donc proclamer de nouveau l’harmonie qui préside aux relations des deux règnes. L’abondance, la variété, la perfection des plantes, répondent à la diversité des animaux et à la multiplicité croissante de leur manière de vivre. Ces rapports entre deux règnes dont l’un sert à nourrir l’autre sont trop étroits pour jamais s’affaiblir ; ils n’excluent pas cependant une certaine indépendance dans le mode de développement qui est propre à chacun d’eux, et cette indépendance se révèle de plus en plus à partir de la période qui aboutit enfin à l’origine des temps modernes.

Jusqu’ici, en dépit de quelques variations climatériques partielles, le règne végétal s’est développé sans obstacle. Le moment est venu où l’Europe va être placée dans la nécessité d’adapter les élémens végétaux qu’elle possède à l’abaissement de plus en plus prononcé de la température. Bien des genres seront ainsi éliminés, et l’ensemble de notre végétation est parsemé de ces sortes d’épaves des âges antérieurs ; mais, si l’Europe a perdu une foule de genres, ces pertes ne l’ont rendue dès l’abord ni moins belle, ni moins propre à nourrir un grand nombre d’animaux. La multiplication de certaines essences, favorisées par les circonstances mêmes qui excluaient les autres, a largement compensé l’extinction de celles-ci. Il faut se souvenir qu’aucun pays n’est plus riche en espèces végétales et plus pauvre en mammifères que l’Australie, tandis que les forêts et les savanes de l’Amérique du Nord ont nourri longtemps d’immenses troupes d’herbivores sous un climat relativement assez rude. Il en fut ainsi de l’ancienne Europe lorsque la température s’abaissa. Les forêts n’en demeurèrent pas moins luxuriantes, les animaux continuèrent à vivre en grand nombre au sein de cette nature qui prenait peu à peu les livrées plus sévères des contrées du nord ; mais on voit aussi que, comme les végétaux, les animaux s’adaptent graduellement au climat de plus en plus froid des régions qu’ils parcourent. C’est alors qu’après les mastodontes les éléphans commencent à se multiplier. Des multitudes de chevaux, de bœufs et de cerfs errent à travers les solitudes européennes ; les grands carnassiers habitent à côté de leur proie et se propagent dans la même proportion ; les rhinocéros, les hippopotames, depuis étrangers à nos contrées, continuent à s’y montrer. Cet état de choses se prolonge jusqu’à l’arrivée de l’homme. Cependant les deux règnes semblent ne plus comprendre aujourd’hui sur notre continent que des restes échappés à quelque désastre longtemps prolongé. Quelque jour la science percera ce dernier mystère et expliquera les raisons de cette décadence dernière, due probablement à plusieurs