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de la Divinité[1], qui donne phonétiquement an et répondait au médo-scythique annap, Dieu, emblème dont j’ai parlé plus haut, se lisait ilu en assyrien, parce que dans cette langue ilu signifie Dieu : on peut dire que ce monogramme est polyphone, puisqu’il a les valeurs de an et de ilu. Les systèmes graphiques des Assyriens et des Touraniens avaient, on le comprend maintenant, la même origine. M. de Saulcy, bien avant que M. Oppert eût été conduit à cette vérité, avait signalé de nombreuses analogies entre l’écriture de la seconde et celle de la troisième espèce. Un examen plus attentif établit que les deux méthodes graphiques étaient une au fond, et on les désigna sous le nom commun de système aharyen par opposition au système perse ou aryen. Notons seulement que les inscriptions médo-scythiques à nous connues ne remontent pas au-delà de Cyrus ; elle appartiennent à une période où le syllabaire s’était sans doute déjà simplifié, et elles ne reproduisent pas l’état primitif du système tel que les Touraniens doivent l’avoir établi. On s’explique ainsi qu’il soit moins varié que le syllabaire assyrien. C’est donc un peuple sorti de la grande souche finno-tartare qui a fait, dans la région arrosée par l’Euphrate, ce que les Égyptiens et les Chinois ont accompli de leur côté, c’est-à-dire qui a tiré toute une suite de signes syllabiques d’images ayant servi d’abord uniquement à représenter des objets, et qui se prenaient soit dans le sens propre, soit dans un sens métaphorique. L’emploi de ces lettres syllabiques ne fit pas d’ailleurs complètement disparaître celui des images ou symboles, lesquels s’associèrent à elles. Seulement avec le temps l’image s’altéra, s’abrégea et devint un véritable hiéroglyphe. On discerne quelquefois dans les formes archaïques des groupes cunéiformes les linéamens de l’image qui leur a donné naissance ; le même fait a lieu pour les caractères khô-teou des Chinois.

L’écriture est sans contredit l’une des plus merveilleuses inventions de l’homme, celle qui a le plus contribué à ses progrès. Là où elle est demeurée inconnue, la société n’a pu sortir de l’enfance. Elle est si étroitement liée au développement de l’intelligence, que l’on mesure, pour ainsi dire, la civilisation d’un peuple au degré de perfectionnement présenté par le système graphique dont il fait usage. Plus par sa constitution un mode d’écriture se trouve uni à la langue de ceux qui l’ont imaginé, plus restreinte est leur sphère d’influence intellectuelle et morale. La complication ou l’imperfection de l’écriture devient un obstacle aux communications entre la nation qui s’en sert et celles pour l’idiome

  1. Cet emblème est dérivé de la figure d’une étoile, circonstance qui montre clairement l’origine sabéiste de la religion de ces peuples.