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donna à ses états quelques années de prospérité et y ajouta le duché de Mantoue. Sous Charles VI, de 1713 à 1735, des accroissemens considérables semblèrent porter la maison d’Autriche à un degré de puissance qu’elle n’avait pas encore atteint. A la suite des guerres de la succession d’Espagne, la descendance de Charles-Quint venant à s’éteindre, elle obtint les provinces belgiques, Naples, Milan, la Sardaigne, Parme, Plaisance, la Sicile, et elle arracha aux Turcs la Servie et la Bosnie ; mais il ne suffisait pas de réunir sous un même sceptre de vastes possessions, il fallait les attacher les unes aux autres par un lien solide. Ce fut la constante pensée des Habsbourg depuis Charles-Quint. Le testament de Ferdinand II de 1621 et le codicille de 1635 avaient établi l’indivisibilité des états autrichiens et la succession par ordre de primogéniture. Charles VI n’ayant pour héritière qu’une fille, Marie-Thérèse, il fallait lui assurer la transmission de toutes ses couronnes. Tel fut le but de cet acte fameux, la pragmatique sanction, que l’empereur parvint à faire ratifier successivement par les diètes de ses différents états et par tous les gouvernemens étrangers, y compris la France et la Prusse. Cet acte est encore aujourd’hui le fondement sur lequel repose cet édifice du moyen âge, composé de tant de matériaux disparates, que nous appelons l’empire autrichien. A peine Charles VI avait-il fermé les yeux, que, violant les traités récens, la France, la Bavière, le roi de Pologne et Frédéric II se jetèrent sur ses états pour les arracher à sa fille et se les partager. La dissolution de l’Autriche semblait inévitable : on sait comment le dévouement des Hongrois prévint la catastrophe. Marie-Thérèse ne perdit que la Silésie, cédée à la Prusse grandissante ; malgré ses remords, elle accepta plus tard la Galicie dans le premier partage de la Pologne. Joseph II à son tour s’efforça de constituer l’unité de ses vastes domaines. Sentant sa faiblesse au milieu des autres nations, plus centralisées, il voulait construire de toutes pièces un état moderne, sans tenir compte des anciens privilèges de ses divers pays, qu’il considérait comme vieillis et nuisibles à l’intérêt général. Joseph II est un des meilleurs monarques qui aient paru sur le trône. Aucun juge impartial ne contestera la vérité de ces belles paroles qu’il adressait à Dieu avant de mourir : « oui, toutes mes entreprises n’ont eu d’autre but que l’avantage et le bien des sujets que tu m’avais confiés. » Imbu, comme Frédéric II, des idées de réforme que les philosophes anglais et français avaient rendues si populaires au XVIIIe siècle, il voulait, comme lui, la tolérance, l’égalité devant la loi, la suppression de tous les anciens abus, l’abolition du servage, de la torture, l’amélioration de la condition du peuple ; seulement, en se dévouant à leur bonheur, il aimait les hommes, que le roi de