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20 septembre 1865 ; tentatives fédéralistes du comte Belcredi ; les résistances de la Hongrie les font aussi échouer ; en janvier 1867, convocation d’un « reichsrath extraordinaire » par le comte Belcredi en vue d’un règlement fédéraliste ; enfin, en février de la même année, convocation d’un reichsrath ordinaire par M. de Beust pour faire triompher le dualisme. Ces tiraillemens incessans, ces essais infructueux, ces brusques reviremens, cette perpétuelle incertitude, prouvent assez qu’il s’agit ici du problème politique le plus compliqué qui se puisse concevoir.

On a prétendu que M. de Beust s’était hâté d’accepter le dualisme imposé par les Magyars parce qu’il croyait avoir besoin de leurs sabres pour affronter les éventualités de la question d’Orient, et qu’il a concédé aux Allemands toutes les libertés parce qu’il voulait les soustraire aux attractions de l’unité germanique. Quand cela serait vrai, il n’aurait pas eu tort, car un ministre doit certainement, pour régler les affaires intérieures, tenir compte de la situation extérieure ; mais aux résolutions de M. de Beust il y a une raison plus forte : à moins d’être aveugle ou de vouloir la perte de l’Autriche, il n’en pouvait prendre d’autres. La réconciliation avec la Hongrie à tout prix était tellement indispensable, que l’empereur était allé la chercher lui-même à Pesth, et que le comte Belcredi, quoique fédéraliste, acceptait en principe le dualisme. Seulement il voulait soumettre le programme Deák aux discussions d’une assemblée constituante où auraient dominé les Slaves, et qui l’aurait inévitablement rejeté. Après des mois de débats violens et de conflits continuels qui auraient exalté jusqu’à la fureur les animosités nationales comme en 1848, on serait venu se briser contre les résistances des Allemands et des Magyars. Les Slaves sont les plus nombreux dans l’empire, leurs aptitudes naturelles ne sont inférieures à celles d’aucune autre race ; ils seront peut-être la grande force de l’avenir, mais dans le présent, sans les Allemands et les Hongrois, il est absolument impossible de rien fonder[1]. On ne peut donc faire à M. de Beust ni un mérite ni un grief d’avoir adopté la ligne de conduite qu’il a suivie ; elle lui était imposée par les nécessités de la situation. Toute autre était impraticable, comme le démontrent assez les vaines tentatives faites depuis vingt ans. Le vrai mérite de M. de Beust, rare en Autriche, c’est, ayant vu clair dans cette situation, d’avoir agi avec décision, avec promptitude et avec esprit de suite ; c’est d’avoir compris, lui que son passé semblait enchaîner à d’autres idées, toute la force des principes

  1. On peut consulter sur ce point une très intéressante étude publiée récemment à Paris, De l’avenir de l’Autriche, sans nom d’auteur, mais écrite évidemment par une personne qui connaît à fond le pays et les hommes.