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« Et pourquoi le taire ? — Oui, il pouvait se trouver parmi nous quelques royalistes d’opinion, il pouvait s’y trouver quelques hommes qui, méditant dans le silence du cabinet sur notre constitution nouvelle, croyaient y apercevoir quelques imperfections, qui soupçonnaient qu’un pouvoir exécutif, placé dans les mains d’un seul homme, pourrait acquérir plus d’activité, plus de dignité, plus de cette force morale qui économise la force politique, et qu’une telle réforme, loin de saper la liberté, la posait sur ses vrais fondemens. Eh bien ! qu’en conclure ? Où les conduira cet aveu ? Une telle opinion est-elle contraire à la constitution ? Suppose-t-elle le désir, le dessein de la renverser ?… Vous ne les croirez pas (les accusateurs), vous, citoyens de bonne foi, vous en croirez un homme vrai qui connut les royalistes qu’il vous dénoncé, qui vit le fond de leurs cœurs honnêtes, qui peut le dévoiler à la France, et ne craint pas de présenter de tels royalistes à l’estime de tous les républicains éclairés.

« Oui, ils étaient royalistes, mais ils étaient vos mandataires ; une constitution républicaine avait été commise à leur garde, et, s’il eût fallu opter entre l’amour d’une opinion et la foi d’un dépôt, ces hommes délicats sur l’honneur n’eussent pas connu même l’hésitation.

« Ils étaient royalistes, mais ils étaient philosophes ; une profonde connaissance de la nature humaine les avait dépris de la chimère d’une perfection absolue, ils savaient tolérer des abus en les déplorant, obéir à des lois en les improuvant.

« Ils étaient royalistes, mais ils étaient législateurs, et, n’appartenant à la monarchie par aucune idolâtrie d’individus, par aucune de ces habitudes qui gouvernent le vulgaire, mais par le seul regard de l’ordre et de la félicité publique, ils considéraient avant tout les besoins actuels du peuple, et, remarquant que le repos, après tant d’agitations, en était le plus pressant,… ils se seraient gardés de troubler ce calme heureux…

« Ils étaient royalistes, mais ils étaient citoyens ; ils savaient qu’ils n’avaient que leurs voix dans ce vaste empire ; ils tenaient leurs systèmes les plus chers subordonnés à la volonté nationale…

« Ils étaient royalistes enfin, mais, j’ose le dire, les plus prudens et les plus éclairés des royalistes ; ils avaient bien compris que, si la monarchie pouvait se rétablir jamais, ce ne serait que par le développement libre et légal de cette imposante volonté publique ; que toute secousse violente, toute tentative contraire aux lois, loin de l’accélérer, en retarderait l’inévitable cours : et ainsi pensaient-ils que, conspirer pour la royauté, c’était en effet travailler contre la royauté.

« Voilà, voilà, Français, quels royalistes se mêlèrent parmi nous à un grand nombre de républicains sincères, tel le fanatisme qui les inspira, telle la conspiration qu’ils ourdirent… »