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gouverneur des provinces occidentales, c’est-à-dire de la Lithuanie, était remplacé par le général comte Baranof, et les observateurs de symptômes cherchaient dans ce fait un signe d’adoucissement. Enfin on disait qu’un comité venait de se constituer sous la présidence de l’empereur lui-même pour examiner de nouveau les affaires de Pologne. Quelle était la signification réelle de ces faits ? C’était tout au plus un moment d’incertitude, c’était une apparence, ce n’était pas un changement. Les adversaires du ministre frappé de paralysie, assez puissans pour garder une influence personnelle, pour retenir encore le gouvernement dans un certain équilibre de tendances, n’étaient pas assez forts pour livrer un combat décisif. Le système de M. Milutine lui survivait et devait lui survivre, parce qu’en définitive, quand on y regarde de près, c’est le système de l’empereur, autant que l’empereur Alexandre II peut avoir un système. C’est toute la politique russe engagée depuis quelques années dans une multitude de questions, s’attestant par les actes et par les polémiques de la presse, par des répressions implacables comme par des réformes, et poursuivant toujours un but invariable, même quand elle semble incohérente et décousue.


III

Cette politique en effet, elle éclate dans tout un ensemble de choses, en Pologne, dans les provinces baltiques comme dans l’intérieur de l’empire, par la russification de tous les élémens étrangers ou par des réformes réelles, sérieuses sous certains rapports sans doute, mais incomplètes, confuses et trop souvent décevantes. Je voudrais la montrer à l’œuvre, cette politique, dans ses traits saillans, sur deux ou trois points où elle est le plus caractéristique. Qu’arrivera-t-il de la Pologne ? Le droit d’une nation a parfois de mystérieuses revanches dont l’avenir a le secret. La Russie se flatte aujourd’hui de résoudre ce douloureux, problème dans la plénitude de sa liberté et de son omnipotence devant une Europe muette, devenue indifférente et résignée à tout.

Il y avait jusqu’ici dans cette malheureuse Pologne deux parties assez distinctes, ce que la Russie appelle les provinces occidentales, provinces du nord-ouest ou du sud-ouest, et cette région qu’une bonne volonté diplomatique a désignée sous le nom de royaume. Les provinces occidentales, je n’ai pas besoin de le rappeler, sont depuis longtemps censées annexées à l’empire, et on se souvient que, dans le dessein trop clair de faire de cette annexion une incorporation réelle et définitive, un oukase du 22 décembre 1865 avait disposé que les biens de tous les Polonais plus ou moins compromis dans la dernière insurrection seraient vendus avant