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Aucune chambre dans le monde ne se réunit en une salle si belle. Elle est couverte de la base au dôme de magnifiques fresques peintes par les plus grands maîtres. Le meuble de la chambre est bleu clair, la tribune bleue, le banc des ministres très bleu, les stalles bleues, pupitres bleus, tapis bleu ; le jour tamisé sur ce bleu par les vitraux coloriés est plein de douceur. On est frappé, en écoutant les orateurs de la chambre italienne, du ton de cortesia qui les distingue : c’est la bonne grâce de la causerie ; point, comme chez nous, de ces interruptions brutales qui viennent troubler le débat d’un tumulte grossier. La chambre des députés italiens est une réunion de gentlemen où chacun apporte la meilleure attitude d’urbanité élégante. C’est là que nous avons pu entendre les exposés financiers de M. de Cambray-Digny, qui en ce moment a la lourde tâche de rétablir l’équilibre financier en Italie et de faire honneur à tous les engagemens du crédit italien. M. le comte de Cambray-Digny a posé carrément les choses : si l’Italie veut tenir ses engagemens, payer ses dépenses avec ses revenus, il faut qu’elle se soumette à des impôts nouveaux et suffisans. De là le macinato et l’impôt sur le revenu, qui n’atteindra pas d’ailleurs, nous en sommes convaincus, les porteurs de rentes à l’étranger. M. de Digny attend avec raison d’heureux effets de l’augmentation des impôts ; il pense qu’elle donnera une excitation au travail, que la nation deviendra plus laborieuse et plus productive.

De toute façon, la question est posée ; il faut qu’elle soit résolue. D’ailleurs, il ne faut pas se le dissimuler, si importantes que soient aujourd’hui les affaires de finances, il reste toujours une question, plus ou moins voilée selon les circonstances, plus ou moins visible, qui domine tout. L’Italie a pu être rudoyée par la fortune et brusquement arrêtée sur le chemin de Rome ; elle n’a pas rétrogradé, elle n’a pas du moins renoncé à ses espérances, et elle ne le peut pas, parce que la question de la papauté temporelle est une question vitale pour elle. On n’en est pas sans doute, entre la France et l’Italie, à négocier sur de pareilles matières. Et cependant est-ce qu’une solution ne peut pas être brusquée tout à coup par le cours naturel des événemens ? Voici que de nouveau on dit le pape malade, et cette fois plus gravement malade. Qui sait si un changement de règne n’est pas destiné à fournir le dénoûment de cette terrible question romaine, qu’on retrouve partout en Italie comme en France ?

C’est là réellement en effet le secret de bien des luttes, de bien des débats qui se poursuivent obscurément ou à la lumière du jour. C’est la question qui a exercé le plus d’influence sur les directions de la politique intérieure de la France depuis quelque temps. Plus d’une fois la pression cléricale s’est fait sentir sous plus d’une forme, et, si nous ne nous trompons, il vient d’y avoir une campagne nouvelle pour ajouter