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Le concordat a trouvé ses défenseurs naturels parmi les membres de l’opposition conservatrice et les prélats, le cardinal Rauscher, le cardinal Schwarzenberg, le comte Blome. M. de Schmerling a soutenu habilement le projet, et ceux, qui l’ont défendu avec le plus de hardiesse, le plus de vivacité, ce sont encore les ministres, notamment le ministre des cultes, M. de Hasner ; mais ce qu’il y a eu de curieux surtout, c’est l’attitude de cette paisible population de Vienne, peu portée d’habitude à l’enthousiasme. Les discussions de la chambre des seigneurs ont été suivies avec une véritable passion, et le jour où la loi a été votée, la ville s’est spontanément illuminée, les ministres ont eu leurs ovations. L’opinion s’est exaltée comme dans un jour de victoire. Chose étrange qu’une victoire libérale donnant la popularité à un gouvernement à Vienne, chose plus étrange encore qu’un ministre de l’empereur d’Autriche proclamant au sein d’une assemblée parlementaire le principe de l’église libre dans l’état libre ! Et c’est pourtant une réalité d’hier !

Une grande lutte est engagée dans la chambre des communes entre M. Gladstone et M. Disraeli sur les affaires d’Irlande. M. Gladstone propose une résolution par laquelle l’Angleterre abandonnerait l’église protestante en Irlande. M. Disraeli résiste énergiquement à cette prétention. Il fait appel aux convictions et aux intérêts du clergé anglais et à la ferveur des Irlandais protestans. Comme chef d’un parti opposé aux concessions demandées pour les catholiques irlandais aux dépens de l’établissement de l’église protestante, M. Disraeli occupe une position d’une grande importance et d’une grande force. Le premier ministre anglais attribue les difficultés que la question irlandaise lui suscite aux critiques de ceux qu’il appelle « les philosophes. » La presse anglaise lui semble rédigée par des philosophes ; ce sont ceux qui l’attaquent qui sont ainsi dénommés par lui. Quoi qu’il en soit, cette lutte aura bientôt un dénoûment : ou M. Disraeli conservera sa majorité, et dans ce cas il n’y aura pas de crise parlementaire, ou bien, si la résolution de M. Gladstone est votée, la chambre sera dissoute par M. Disraeli. Lord Stanley a d’ailleurs dit à Bristol et M. Disraeli a annoncé, comme la résolution finale du gouvernement, que la question n’est point de celles qui puissent être réglées par le parlement actuel.

Un grand et terrible spectacle est celui que présentent en ce moment les États-Unis. Les moyens dilatoires cherchés par les avocats du président Johnson pour ralentir la procédure ont été repoussés par le sénat. La mise en accusation se poursuit rapidement. M. Stevens y apporte toujours la même ardeur et la même impatience. Le ministre de la guerre, le général Stanton, est obligé de se faire garder par des troupes afin de se défendre contre l’irruption armée de bandes qui semblent s’être organisées pour l’enlever de sa résidence ministérielle. Comment tout cela finira-t-il ? Nous n’aurons pas longtemps à attendre.