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était résulté que ! ne sachant trop d’abord à quoi s’en tenir sur l’effet que pourrait produire en France un acte que Miollis lui dépeignait comme ayant si fort agité les esprits à Rome, l’empereur commença par se résoudre à faire les plus grands efforts pour l’ensevelir, autant qu’il dépendrait de lui, dans un oubli profond, affectant de n’y attacher pour son compte aucune espèce d’importance. En réalité, rien de plus faux. Ce grief, quoique habilement dissimulé, a toujours été profondément ressenti par l’empereur. Il lui a, d’après les circonstances, inspiré successivement des conduites très diverses, et arraché, suivant l’humeur du jour, des paroles empreintes tour à tour de la colère la plus insultante ou du plus hautain mépris. Jamais, au fond, la blessure n’a été complètement cicatrisée. Ce fut, sans qu’il en voulût jamais rien laisser paraître, le sentiment de l’injure reçue qui convertit en un duel à mort la lutte maintenant engagée par le souverain français contre le chef de la catholicité, et nous méconnaîtrions étrangement les nécessités de notre sujet. si nous évitions de donner à cet épisode de l’excommunication la place qu’elle mérite d’occuper dans l’étude que nous avons entreprise.


« Parmi les singularités qui forment une partie si considérable de l’histoire de ces dernières années, écrivait l’abbé de Pradt en 1818[1], aucune peut-être n’a présenté des caractères aussi frappans que cette bulle d’excommunication lancée contre le prince le plus puissant de son temps… Il y avait mille ans d’intervalle entre la dernière et celle-ci. Après une si longue interruption, la nouvelle apparition de ce fantôme dut paraître bien étrange, et Rome put à raison passer pour n’avoir guère consulté l’art de vérifier les dates. Lorsque les anciens papes recouraient à l’usage de cette arme, continue l’ancien archevêque de Malines, ils faisaient ce qui était dans l’esprit de leur temps. L’excommunication était alors tout ce qu’il y avait de plus redoutable dans la main qui en était armée et le pire des maux pour ceux qui en étaient atteints. Il y avait par conséquent de l’harmonie entre le principe de l’action et son résultat ; mais quand une autre disposition des esprits a créé un autre ordre de choses, lorsque le glaive qui perçait les plus fortes cuirasses se trouve émoussé, et lorsque ce qui était le plus redoutable a cessé d’être redouté, par suite du même principe qui a fait agir dans un temps, il aurait maintenant fallu s’abstenir. Quand des armes de cette espèce ne tuent pas sur la place, il faut les laisser dans le fourreau. Quelque considération peut s’attacher à leur repos et quelque vertu à l’incertitude

  1. Les Quatre Concordats, t. II, p. 394.