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difficile à deviner aujourd’hui. Toujours est-il qu’il ne songea pas un instant à objecter cette bulle comme un obstacle aux arrangemens nouveaux qu’on le pressa longtemps de conclure avec celui qu’elle semblait excommunier. Dans les pourparlers qui précédèrent les arrangemens souscrits à Fontainebleau, non plus que dans la lettre pleine de douleur et de remords écrite peu de jours après pour les rétracter, il ne voulut rompre ce silence. Un grand doute plane donc, suivant nous, sur la portée canonique intentionnellement donnée par Pie VII à la bulle du 10 juin, quant à l’excommunication directe et personnelle du chef de l’empire français. Ce qui nous parait ressortir clairement des faits que nous avons racontés et des paroles que nous avons citées, c’est que cette mesure, ressentie à tort ou à raison par l’empereur comme une mortelle injure, influa de la façon la plus désastreuse sur ses rapports ultérieurs avec le saint-père. Avant de remettre de nouveau en présence, cette fois sur le terrain purement religieux, ces deux antagonistes qui se sont fait réciproquement tant de mal, il nous reste à parler des circonstances relatives à l’annulation du lien religieux qui avait uni l’empereur Napoléon à l’impératrice Joséphine, et de la consécration donnée par le cardinal Fesch à son mariage avec Marie-Louise.


III

Nous avons déjà eu l’occasion de raconter les efforts tentés depuis longtemps par l’entourage de Napoléon, et surtout par les membres de sa famille, afin de le décider à rompre son union avec une compagne qui ne pouvait plus donner d’héritier à sa couronne. Au moment du sacre, les mêmes personnes s’étaient toutes entendues entre elles pour lui représenter comme une faute politique des plus graves l’intention qu’il laissait voir de faire couronner Joséphine à ses côtés, et s’étaient récriées sur l’inconvénient qu’il y avait pour lui à resserrer ainsi les liens qui l’unissaient à elle ; mais les manœuvres de ses ennemis avaient alors tourné contre eux, et l’impératrice, un instant menacée, était sortie victorieuse et même fortifiée de cette lutte. Non-seulement elle avait été sacrée en même temps que son glorieux époux et couronnée de ses mains avec une tendresse remarquée de tous les assistans, mais, ce que peu de gens savaient, par l’adroite confidence faite à propos au saint-père, elle avait obtenu de faire bénir religieusement en grand secret, dans la nuit qui précéda le sacre, leur ancienne union, qui n’avait encore été contractée que devant l’autorité civile. L’empereur en avait d’abord fortement voulu à Joséphine de sa demande, soit qu’il la regardât comme portant atteinte à la considération de sa vie passée,