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décembre, et devant laquelle les deux époux annoncèrent leur mutuelle résolution. Suivant un programme ; convenu d’avance, Napoléon lui-même, visiblement ému, avait lu un discours dans lequel il avait affectueusement parlé de la compagne qu’il avait, disait-il, couronnée de sa main, et dont le souvenir toujours cher resterait à jamais gravé dans son cœur. Quand vint pour Joséphine le moment de lire à son tour le papier qu’elle tenait à la main, les sanglots lui coopèrent la voix. Elle ne trouva pas la force de prononcer elle-même les paroles de consentement qu’on avait mises dans sa bouche, et ce fut M. Regnault de Saint-Jean d’Angely qui en donna lecture. La séance d’apparat qui eut lieu le lendemain au sénat, pour recevoir la déclaration des deux époux, et statuer sur leur résolution, sans paraître aussi dramatique, ne laissa pas d’être assez émouvantes. Jusque-là le fils adoptif de l’empereur, le prince Eugène, n’avait pas encore été siéger comme prince de la famille impériale sur les bancs de ce grand corps de l’état. L’empereur exigea qu’il y parût pour la première fois le jour où devait avoir lieu la délibération qui allait changer si douloureusement la situation de sa mère. Il dut même prendre le premier la parole pour provoquer la résolution du sénat, en ajoutant au consentement déjà donné par Joséphine le poids de son adhésion personnelle et de celle de sa sœur la reine de Hollande, dont il se portait garant. Apres cette manifestation peut-être surabondante, et qui surprit un peu le public, on pense bien qu’il ne fut pas malaisé d’obtenir l’adhésion complète du sénat. L’orateur du gouvernement lui avait donné le signal dans ce langage empreint d’ardent enthousiasme et de sensiblerie déclamatoire qui était alors à la mode.. — « Comme souverain et comme époux, l’empereur et l’impératrice ont tout fait, ont tout dit, s’écria M. Regnault de Saint-Jean d’Angely ; il ne nous reste qu’à les aimer, à les bénir et à les admirer. Acceptez, messieurs, au nom de la France attendrie, aux yeux de l’Europe étonnée, ce sacrifice, le plus grand qui ait été fait sur la terre, et, pleins de la plus profonde émotion, hâtez-vous de porter aux pieds du trône, dans le tribut de nos sentimens, des sentimens de tous les Français, le seul prix qui soit digne du courage de nos souverains, la seule consolation qui soit digne de leurs cœurs[1]. »

Tout était donc à peu près consommé ; il ne restait plus à l’infortunée Joséphine, laissée en possession, par décret du sénat, du titre d’impératrice et de reine couronnée, qu’à céder la place à la future épouse destinée à venir bientôt lui succéder, et qui, d’après les bruits alors généralement répandus, n’était autre que la grande-duchesse Olga, sœur de l’empereur de Russie. Rien de plus

  1. Moniteur du 16 décembre 1810.