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traitemens ; mais que fait-on pour la combattre ? La justice est réduite en grande partie à se suffire avec les droits de greffe et de timbre, et, pour équilibrer son budget, ces droits ont été fabuleusement exagérés. Est-il vrai de dire qu’elle soit gratuite quand, pour la mettre en mouvement, il est nécessaire de remplacer les épices d’autrefois par des versemens qui peuvent souvent atteindre et même dépasser le chiffre des intérêts en litige ?

L’assemblée constituante avait établi un juge de paix au chef-lieu de chaque canton, et un tribunal dans chaque arrondissement. L’appel des tribunaux d’arrondissement était porté devant les tribunaux du même ordre, mais appartenant à d’autres circonscriptions. Une cour de révision était chargée de veiller à l’exacte application de la loi devant tous les tribunaux de France, et une haute cour jugeait des cas de forfaiture et des crimes d’état. L’ensemble de ce mécanisme subsiste encore, et n’a point été l’objet de bien graves critiques. Seules, les deux institutions sur lesquelles l’assemblée fondait le plus d’espérances peut-être, celles qui forment la base et le sommet de la pyramide, ont été attaquées avec vivacité, et récemment la tribune retentissait de plaintes sur lesquelles nous n’avons point à revenir ici. Le cadre de cette étude nous impose toutefois le devoir de rappeler qu’on ne saurait retrouver dans ces institutions, telles qu’elles sont aujourd’hui constituées, l’œuvre du législateur de 1789. Ainsi les juges de paix étaient soumis au libre choix des justiciables du canton et ne relevaient nullement du pouvoir. Leur mission était purement judiciaire. Thouret, le promoteur le plus ardent de cette institution, la recommandait comme « un des plus grands biens qui pût être fait aux utiles habitans des campagnes. » Il a suffi d’en remettre la nomination au pouvoir exécutif pour en faire, un certain relâchement des mœurs publiques aidant, des guides officiels en matière électorale. Mais c’est surtout pour la cour de cassation que la séparation des pouvoirs avait paru rigoureusement nécessaire. « Les juges de révision, devant rectifier les erreurs des tribunaux souverains, disait-on alors, ne peuvent efficacement remplir cette mission qu’autant qu’ils jouiront à un plus haut degré qu’eux de la considération publique et dans l’esprit des peuples et dans l’esprit des magistrats qui leur sont subordonnés. » Les membres de ce tribunal étaient donc élus dans chaque département parmi les hommes réunissant les conditions d’aptitude prescrites. Chaque département désignait un conseiller, et les départemens concouraient à cette élection par moitié tous les quatre ans. Chaque section de la cour nommait ses présidens, qui étaient élus tous les six mois. Dans la pensée de l’assemblée, la cour de cassation était établie beaucoup moins en faveur des parties que pour le