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financier, c’est que toute réduction de tarifs se résoudrait inévitablement en un accroissement de la garantie de l’état par suite de la diminution des recettes, et que cette augmentation de la garantie effective de l’état pèserait nécessairement sur nos finances, déjà suffisamment surchargées. C’est une prévoyance qui serait certes fort salutaire, si elle se retrouvait dans toutes les questions. Une troisième raison invoquée par M. de Forcade la Roquette, c’est que, placé dans l’alternative de faire des chemins de fer dans les pays qui n’en ont pas encore, ou de dégrever les contrées qui en sont déjà pourvues, le gouvernement a préféré, dans un esprit d’équité, se prononcer pour le premier système. Rien ne serait plus juste en effet, si les deux choses ne pouvaient marcher ensemble, si, loin de s’exclure, elles ne se complétaient pas l’une l’autre, si enfin toute réduction de tarifs devait profiter uniquement aux contrées qui ont des chemins de fer, si elle ne profitait pas au contraire au commerce tout entier, à l’industrie tout entière. Le fait sensible et éclatant, c’est que depuis vingt années tout change, tout se transforme, tout est en progrès, les tarifs seuls sont restés tels qu’ils avaient été primitivement établis, avec leur échelle élastique de maximum et de minimum. Non, nous nous trompons, ils ne sont plus ou ils ne sont que nominalement ce qu’ils étaient, car de leur propre mouvement les compagnies ont opéré ces réductions qu’on se fait scrupule de leur demander aujourd’hui ; elles les ont accomplies sous la pression de la nécessité ; elles n’ont pas même hésite, quand elles en ont senti le besoin, à descendre au-dessous du minimum autorisé dans les cahiers des charges, et elles ne s’en sont pas plus mal trouvées. Mais alors, observera-t-on, le résultat est le même, que peut-on demander de plus ? Effectivement le résultat est le même, la force des choses conspire pour cette diminution du prix des transports ; seulement voici le danger, c’est que les compagnies, ayant à se mouvoir dans des conditions d’exploitation qui ne répondent plus à la situation actuelle, restent absolument maîtresses des tarifs. Par toute sorte de combinaisons ingénieuses où l’œil le plus scrutateur s’égare, elles peuvent favoriser telle ou telle industrie, tel ou tel point des régions qu’elles desservent. Bref, c’est l’arbitraire qui se glisse là comme partout, sans que l’état songe à se montrer bien chatouilleux au sujet de pratiques qui sont les siennes. Sur ce point, les démonstrations de M. Pouyer-Quertier ont été saisissantes. Elles n’ont rien empêché, il est vrai, elles n’ont pas modifié un vote auquel tout le monde était intéressé ; mais elles restent comme un jalon pour l’avenir, et elles sont de nature à faire réfléchir ceux qui ont le maniement de ces grands intérêts.

Ce qui reste en définitive de ces discussions substantielles et animées d’où jaillissent souvent des lumières inattendues sur la situation économique du pays, c’est un notable accroissement du réseau de nos voies ferrées, de même que la loi sur les chemins vicinaux qui vient d’être