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laissée mourir de faim ; selon d’autres, elle serait morte d’une maladie violente aussitôt après son arrivée en Italie. La version la plus accréditée et la plus vraisemblable est qu’elle figura dans le cortège triomphal d’Aurélien, et qu’elle vécut plusieurs années encore dans une villa de Tibur que l’empereur lui avait assignée pour retraite. Un de ses fils fut chargé de gouverner une petite principauté au fond de l’Asie-Mineure. Ses autres enfans furent sans doute fort bien accueillis par l’aristocratie romaine, à laquelle ils s’allièrent par des mariages. Si cette dernière tradition est fondée, il faut croire que Zénobie se consola en pensant tout à la fois à la grandeur de ses rêves et à l’impossibilité de les réaliser.

Elle était à peine arrivée en Occident que les Palmyréniens se révoltèrent contre Rome, et même élurent un empereur pris dans leur sein. Des troupes romaines furent de nouveau dirigées contre la ville indocile, et cette fois avec des instructions inexorables. Presque tous les habitans furent massacrés, un grand nombre de monumens détruits, et l’on a pu remarquer de nos jours que la fureur des soldats romains s’en prit surtout aux édifices qui portaient sur leurs inscriptions le nom de Zénobie. Palmyre ne se releva jamais de ce coup terrible. Aurélien regretta qu’on eût exécuté si ponctuellement ses ordres. Il tâcha de ramener des habitans et la prospérité dans la ville saccagée ; il fit réparer ce fameux temple du soleil dont les ruines devaient un jour inspirer à Volney, avec tant de mélancolie, si peu de philosophie sérieuse, et dont les parvis servent aujourd’hui de tanières à quelques paysans arabes, seuls habitans de ces décombres. Les efforts du gouvernement romain furent inutiles. Ni la population ni la richesse ne revinrent. Palmyre disparaît depuis lors de l’histoire. On sait seulement que vers l’an 400 elle était encore désignée comme le quartier de la legio prima Illyrica, et que les Arabes et les Turcs ont brisé à qui mieux mieux tout ce qui était statue ou y ressemblait ; mais ce ne fut pas seulement la cité du désert qui périt étouffée sous la lourde main de l’empire.

La révolte des Palmyréniens et le mauvais vouloir assez naturel d’Aurélien contre tous ceux qui à un titre quelconque avaient montré des sympathies pour l’empire schismatique inspirèrent aux adversaires de Paul une idée dont aucune assemblée chrétienne ne s’était encore avisée, et qui devait inaugurer une bien triste série d’abus de tout genre. Pour la première fois des évêques chrétiens appelèrent le bras séculier à prêter main-forte à un décret synodal, et demandèrent tout simplement à Aurélien d’expulser l’évêque insoumis du poste où le retenaient sa conscience et l’affection de sa communauté. L’église chrétienne était déjà une très